La Mort de Danton de Georg Büchner

Loïc Corbery, un Danton étourdissant

La Mort de Danton de Georg Büchner

La pièce de Georg Büchner (1836) débute à un moment clé qui scelle le sort de Georges Danton. En effet, jusque-là fervent admirateur de la philosophie des Lumières, il était en phase avec la conception de la Révolution de Robespierre, farouche jacobin, jusqu’au moment où ce dernier s’étant radicalisé, déclare la Terreur. Danton ne le suit pas sur cette voie, ni son ami Camille Desmoulin. Dans cette nouvelle séquence, la modération n’est pas de mise et Saint-Just, bras armé de Robespierre, les fera condamner à mort.
Pour qui n’est pas au fait des détails de cette période de l’Histoire, appréhender les enjeux de la situation n’est pas commode. SI l’on saisit le désarroi de ces hommes qui rêvent l’Histoire et en meurent, Simon Delétang ne contribue pas à éclairer un texte touffu, lourd de beaucoup de lyrisme. La mise en scène aurait pu se passer d’effets explicatifs qui surlignent les aspects romantiques les moins intéressants du texte. Ainsi ce terrible orage censément prémonitoire, ou la guillotine surgie lentement des tréfonds du théâtre, ou encore le bruit amplifié des portes de cachot, comme la basse continue annonciatrice de drame.
Sur le rideau du théâtre, paré des couleurs de la toute jeune république, est inscrite cette phrase de Saint-Just : « Tous les arts ont produit des merveilles, l’art de gouverner n’a produit que des monstres. » Le spectacle s’ouvre sur le Don Giovanni de Mozart. Dans un grand salon XVIIIe siècle aux lumières crépusculaires, symbole d’un temps déjà révolu, on trousse joyeusement les grisettes avec autant d’ardeur que l’on met à débattre politique. Le décor et les beaux costumes d’époque de Marie-Frédérique Fillion inscrivent la pièce dans une convention de bon aloi (sans lien avec la violence de la Convention révolutionnaire).
Loïc Corbery est un Danton inattendu animé d’une folle énergie. Sa silhouette mince et nerveuse, juvénile, séduisante est l’exact opposé de cet homme lourd et plutôt vilain que l’on connaît. on pourrait voir ici révélé le portrait intérieur d’un idéologue à l’esprit de finesse. Corbery porte haut l’idéalisme généreux de son personnage, jouisseur de la vie à la faconde exceptionnelle. Robespierre (Clément Hervieu-Léger) lui est fidèle à l’original, petit homme sec, autoritaire, à l’élégance glaçante. Guillaume Gallienne est un Saint-Just implacable, inquiétant de détermination. Julie Sicard et Marina Hands, l’épouse et une des maîtresses de Danton, amoureuse du grand homme, et Anna Cervinka, la compagne de Camille Desmoulin, illuminent la scène où peu de femmes sont représentées.
Les défauts de sonorisation du théâtre pénalisent les comédiens qui deviennent inaudibles dès que la colère explose.
Au-delà des réserves, le spectacle finalement séduit pour le talent et la belle énergie des comédiens.

La Mort de Danton de Georg Büchner. Traduction, Jean-Louis Besson, Jean Jourdheuil. Mise en scène et scénographie, Simon Delétang. Lumières, Mathilde Chamoux. Costumes Marie-Frédérique Fillion. Musique originale et son, Nicolas Lespagnol-Rizzi.Avec Guillaume Gallienne, Christian Gonon, Julie Sicard, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Clément Hervieu-Léger, Anna Cervinka, Julien Frison, Gaël Kamilindi, Jean Chevalier, Marina Hands, Nicolas Chupin, Sanda Boureane, Vincent Breton, Olivier Debbasch, Yasmine Haller, Ipek Kinay, Alexandre Manbon.
A Paris, Comédie-Française. Durée : 2h30 sans entracte. Résa : 01 44 58 15 15.
www.comedie-francaise.fr
©Christophe Raynaud De Lage

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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