La Forêt des chocottes d’Olivier et Sophie Jézéquel
Même pas peur
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- 21 décembre 2007
- Critiques
- Jeune Public
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Prenez un bambin. A partir de 4 ans. Plongez-le dans une forêt ténébreuse peuplée de dragons et autre méchant ogre dévorant tout ce qui bouge (surtout les enfants). Laissez le mijoter une bonne heure dans ce climat effrayant. A votre avis, qu’obtenez-vous ? Un petit qui, la nuit, a peur du monstre sous son lit ? Absolument pas. Pas si votre enfant est allé au cœur de la forêt des chocottes où le mène la pièce éponyme, jolie variation sur la peur et le courage à travers laquelle le bambin en question, en observant les personnages se mesurer à divers dangers, va rire de leur frayeur et ainsi apprivoiser la sienne.
Le spectacle s’ouvre donc sur un schéma éculé : à ma droite une princesse, belle, gentille et candide. A ma gauche, une tante, sévère, jalouse et méchante. La première rêve de son prince charmant, la seconde ne pense qu’à liquider la première (la supprimer, l’effacer, la dégommer, au choix, mais surtout pas tuer, c’est un gros mot). On pense à une certaine Blanche-Neige et à sa marâtre. Jusqu’alors, rien que de très classique. Oui mais à ce stade, on n’a pas encore vu le prince… Justement voilà qu’on annonce sa venue. On l’imaginerait volontiers vaillant, altier et valeureux. C’est sa parfaite antithèse qui se pointe. « C’est quoi ce prince ?! » se demandent les spectateurs en herbe déconcertés, mais auxquels on ne la fait pas.
Un prince froussard
Pour mesurer leur étonnement, il faut savoir que le dit-prince ressemble plus à une lopette en culotte courte qu’à un chevalier intrépide. Confondant de poltronnerie, il redoute jusqu’à son ombre et pousse des cris d’orfraie au moindre bruit. Pas de chance pour la princesse qui misait tout sur le cœur et le courage, mais aussi, un peu, il faut bien le reconnaître, sur le physique. Tout n’est pas perdu néanmoins. Il se trouve que le fidèle serviteur du prince possède précisément ces qualités. Ronaldo (c’est son prénom) est sportif, musclé et très craquant dans son maillot aux couleurs du Brésil. Sorte de latin-lover, doux et gentil à condition qu’on ne le qualifie pas de valet, ça le fâche : « Yé né souis pas oune valette ! Yé-souis-oune-footballer ! ». Dont acte.
Un ogre qui mange les enfants
On l’aura compris, les personnages et les situations ne correspondent en rien aux canons ancestraux des contes pour enfants. Même la sorcière qui, si elle effraie les enfants avec son courroux, les amuse tout autant avec ses maladresses. Elle se trompe sans cesse dans ses formules magiques faisant par exemple apparaître, en lieu et place de l’ogre à grande bouche qui mange les enfants, un Anglais à grand nez qui mange du pudding. Quant à la princesse, elle est loin de l’image lisse de son modèle des contes de fées dont l’angélisme confine à la niaiserie. C’est ici une jeune fille malicieuse, volontaire et courageuse.
Rires et frissons
Portés par des comédiens qui jouent avec gourmandise des quiproquos, ces personnages singuliers plongent les enfants au cœur d’une histoire pleine de surprises et de rebondissements, où les ressorts de la peur sont employés à des fins comiques. Si la pièce donne ça et là quelques frissons de peur aux enfants ce n’est que pour mieux les faire rire l’instant d’après. Autre mérite de ce spectacle : il démystifie le prince charmant en ne le dépeignant ici qu’avec des défauts, ce qui peut contribuer à rassurer les garçons sur leur futur pouvoir de séduction. D’ailleurs, la princesse lui préfère le valet. Moralité : nul besoin de rang ni de fortune pour conquérir le cœur d’une princesse. Cela étant, posséder le jeu de jambes et les muscles d’un Ronaldo peut être un avantage. Eh oui, y’a encore du boulot les gars !
La Forêt des Chocottes. A partir de 4 ans. Comédie d’Olivier et Sophie Jézéquel. Mise en scène de Caroline Raux. Musique : Cédric Levaire. Jusqu’à fin janvier. Théâtre Tallia, 40 rue de la Colonie, 75013 Paris. Réservations : 01 45 80 60 90.