L’oral et hardi, allocution poétique de Jacques Bonnaffé
Un frappadingue grandiose
Jacques Bonnaffé est un amoureux, de la vie, du vélo, du théâtre, des gens, de la poésie. Dans ce dernier domaine, il faudrait plutôt parler de passion dévorante, obsédante et obsessionnelle, militante.
C’est peut-être parce qu’il est lui-même un gars du nord qu’il semble avoir de réelles affinités avec les poètes belges. Il a entrepris de faire connaître Jean-Pierre Verheggen, une sorte de Novarina belge qui déploie une logorrhée poétique et frénétique, « au fond Artaud a raison. C’est d’la viande, la langue ! » dit Verheggen quand Novarina nous parle de la Chair de l’homme. André Velter parle à son sujet de « chevauchée verbale…Poète phénomène, poète énergumène, il est l’inventeur d’un genre nouveau, l’opéra bouche ». Ces propos s’appliqueraient tout aussi bien à Novarina qui taille dans les mots, les déverse dans nos oreilles comme Rabelais la nourriture dans le gosier de Gargantua. Mais, ne poussons pas la ressemblance trop loin. Novarina est un esthète, un philosophe qui pense le monde alors que Verheggen, oulipien sans le dire, se rangerait plutôt du côté du jeu de mots en folie, du calembour en rafales. Il libère la langue de toutes ses contraintes officielles dans le vertige des sonorités qui, de culbutes en glissades, produisent télescopages et incongruités tous azimuts, en virtuose de la figure de style cul par-dessus tête et double axel arrière.
Bonnaffé, athlète de la scène, bonimenteur génial et passionné, déploie des trésors d’humour pour introniser le public en poésie et démontrer ainsi que se laisser aller à goûter les joies de la langue c’est gagner un peu plus d’espace vital et de liberté. Le comédien reprend ce spectacle créé en 2011 avec encore plus d’ardeur et de gourmandise. « Frappadingue grandiose », il électrice la scène d’un tumulte poétique hardi qui requiert l’oral pour être bien entendu. Lisez Verheggen sans délai mais surtout embarquez-vous avec Bonnaffé sur la mer démontée de ce voyage homérique inouï .
L’oral et hardi, allocution poétique. Jeans-Pierre Verheggen, Jacques Bonnaffé. Au théâtre de la Bastille jusqu’au 24 juin 2022 à 20h. Durée : 1h20.
www.theatre-bastille.com
©Carole Bellaïche