L’Horizon des événements de Frédéric Sonntag au Théâtre Silvia Monfort.
Où mène une croissance économique et démographique sans limites ?
Dans les années 70, un couple d’économistes, William et Elena Jeffrey, dirige une étude majeure sur les effets dans les décennies à venir d’une croissance économique er démographique illimitée.
Au début des années 2000, dans un monde d’incertitude et d’approximation, un enfant du couple, Nathan, retrace l’histoire de ce projet, tentant d’éclairer les raisons d’un échec, avec cartons d’archives parentales analysées, enquête sur l’année 1975 : l’étude historique du projet est lancée.
Pourquoi « L’Horizon des événements » a-t-il été abandonné ? Quel impact aurait-il pu avoir sur le plan écologique, économique et politique ? Et quelles conséquences familiales et privées pour ce fils Nathan, bientôt père ? Sans compter un autre fil tissé avec facétie dans l’intrigue dramaturgique, celui de deux astrophysiciens et chercheurs de trous noirs dans la galaxie, à la fin des années 1960, auteurs brillants d’un article intitulé pareillement « L’Horizon des événements ».
Dès les années 70, et non pas seulement en 2000 ni en 2020, des scénarios catastrophe sont envisagés, comme s’ils étaient presque déjà là car la prise de conscience est déjà faite des effets délétères d’une croissance économique et démographique exponentielle, Le spectacle s’inspire du rapport Meadows qui tirait, en 1972, la sonnette d’alarme sur les dangers d’une telle croissance.
Premier choc pétrolier - images d’archive -, réalité incontournable des limites des ressources de la planète, l’humanité se confronte à la question de la finitude de son environnement, et au ré-examen d’une modernité conquérante sans limites, d’une croissance sans fin. Le rapport Meadows témoigne d’un changement d’évaluation, du moins sur l’écologie - naissance des concepts de décroissance, d’effondrement, de développement durable. Nulle répercussion politique et échec.
Le spectacle est un dialogue entre deux générations - années 1970 et 2000 -, des Trente Glorieuses au désenchantement actuel face au progrès dont la date de consommation est périmée - un tournant économique, écologique et idéologique Des allers et retours entre présent incertain, passé et avenir, soit le retour d’un temps éprouvé par certains et leurs projections sur un devenir expérimenté de plein fouet par d’autres plus jeunes. Le présent instable ne fait que le constat renouvelé d’une croissance économique exponentielle qui va droit au mur. Et à bon entendeur…
Frédéric Sonntag et sa compagnie Asanisimasa s’offrent du bon temps sur la scène, tout en distrayant et divertissant la salle de spectateurs sur des sujets brûlants d’actualité. Et Romain Darrieu, Amandine Dewasmes, Antoine Herniotte, Paul Levis, Gonzague Octaville, Victor Ponomarev, Malou Rivoallan, David Sighicelli, Fleur Sulmont et un enfant - Ephraïm Matte et Samson Alazraki en alternance - forment un choeur vivant et tonique, où se glissent de fortes personnalités, près des écrans vidéo, des ordinateurs et leurs logiciels, des cartons d’archives.
L’alternance des scènes collectives et des scènes privées accorde avec bonheur un rythme soutenu, une respiration au propos fourni avec lequel les interprètes ont maille à partir. Elan et enthousiasme, les acteurs arpentent le plateau avec conviction, transmettant leur exaltation, discourant et argumentant, évaluant les données, proposant des interprétations, vivants et joueurs. Des scènes d’amour adviennent aussi au milieu des théories et données scientifiques.
Plus de vingt ans après les années 2000, le spectacle offre une vision de notre temps exacerbée, d’autant que l’immédiateté, l’imminence et l’exactitude du récit soufflent avec force sur le public qui ne peut que se sentir concerné, mais aussi amusé par cet art espiègle de jeter des vérités. Or, nulle mise en demeure mais une invitation scénique allègre et ouverte à une réflexion approfondie.
L’Horizon des événements, texte et mise scène de Frédéric Sonntag, Avec Romain Darrieu, Amandine Dewasmes, Antoine Herniotte, Paul Levis, Gonzague Octaville, Victor Ponomarev, Malou Rivoallan, David Sighicelli, Fleur Sulmont et un enfant. Création vidéo Thomas Rathier, création musicale Paul Levis, création lumière Manuel Desfeux, scénographie Anouk Maugein, Pauline Bergogne, création costumes Hanna Sjödin, maquilleuse, coiffeuse Pauline Bry. Du 8 novembre au 18 novembre 2023, du mardi au vendredi 19h30, samedi 18h, dimanche 15h, Théâtre Silvia Monfort - Paris. Le 23 novembre, Théâtre Théo Argence, Saint-Priest. Les 6 et 7 décembre à la Comédie de Valence. Le 21 décembre 2023, Scène nationale d’Alençon, Flers.