Vu au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur- Seine, puis à voir en banlieue parisienne puis au Théâtre 13 à Paris..

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce par Guillaume Barbot.

La pièce de Lagarce re-visitée via l’incarnation émue des seconds rôles.

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce par Guillaume Barbot.

Adaptée en 2016 au cinéma par Xavier Dolan - Grand Prix du Festival de Cannes -, promue « classique contemporain » des éditions Les Solitaires Intempestifs, étudiée au Lycée et à l’Université, la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce est montée en France et à l’étranger, prisée par les cours d’art dramatique, les troupes d’amateurs et les metteurs en scène.

Juste la fin du monde est une pièce autobiographique, romancée et testamentaire d’un auteur de théâtre qui se pressent séropositif au VIH, maladie dont on ne se relève pas alors. Louis, fils aîné, revient dans sa famille un dimanche pour l’informer de la terrible nouvelle de sa mort prochaine. De ces retrouvailles avec le cercle familial où le père n’est plus - la Mère, le cadet Antoine et son épouse Catherine, et la benjamine Suzanne qui vit dans la maison parentale -, resurgit un amour implicite à travers les mêmes désaccords réanimés. De la visite, le fils repart sans avoir rien dit.

Ce fils jeune qui va bientôt mourir n’a jamais vraiment parlé aux siens : il vient les écouter en évitant les silences. La Mère parle et les autres aussi, le frère cadet aussi. Dans le prologue, Louis explique sa décision du retour dans sa famille pour « être l’unique messager » de sa mort à venir. 

Le narrateur pense contrôler les règles de la représentation en metteur en scène – un théâtre dans le théâtre -, observant sa famille unie face à lui, et en même temps, parlant à sa conscience et au public auxquels il s’adresse.

Dans la mise en scène enthousiaste, vive et colorée de Guillaume Barbot, Louis - Mathieu Perotto sensible - revient sur ses traces dans l’espoir de retrouver un refuge, l’abri originel où il est né et où il a grandi avec les siens. 

La mère - présence positive et intense d’Elisabeth Mazev - ne lui reproche rien ; elle raconte leur enfance du temps du père, le rituel des promenades, le dimanche, des pique-niques et des chamailleries des frère. Et les sorties ont cessé, et Suzanne - Angèle Garnier pétillante - n’a pas connu ce bonheur-ci.

Catherine - Caroline Arrouas à la fois solaire et délicate - dévoile la situation modeste d’Antoine - Yannik Landrein nerveux et taiseux -, négligé par Louis.

La mère n’est pas dupe du retour de l’aîné qui ne pense qu’à repartir, lui demandant d’être plus attentif à son frère et à sa soeur, peut-être maladroits, mais attendant son encouragement pour qu’ils puissent vivre eux aussi, hors de la responsabilité maternelle qu’ils croient porter sur leurs épaules.

La langue de Lagarce est répétitive, sinueuse, décalée et patiente dans son exploration intérieure -, une intimité en cours de dévoilement, nommant les étapes nuancées d’une quête d’élucidation, parole spontanée et affective, qui parvient après l’incertain à nommer enfin son objet. La poésie saisissante d’une mélodie intime, une parole incantatoire que font respirer les silences

Goût d’une génération pour la prééminence des images et l’incarnation immédiate d’un ici-et-maintenant forcené, tel un gage de « vérité » et de vie, le metteur en scène Guillaume Barbot, sincère et rigoureux, a « illustré » l’accessoire, quand suffit la musique des mots et des silences de l’indicible.

La maison est exposée à vue - jolie pub de télé ou cinéma - avec étage et pièces diverses, chambres, cuisine, toilettes : le regard suit les déplacements des figures incarnées qui se retirent d’une pièce pour pénétrer dans l’autre, un moment seules avant de réapparaître. Puis, les voilà qui se plaignent et s’excusent, attentifs au visiteur. Quant à Antoine, il a droit à une mise en majesté à la fin du spectacle, se laissant aller aux vociférations, luttant contre le mépris accumulé du frère, couvrant le visage de ses mains agitées.

Une lecture aux didascalies ré-inventées et au pathos un peu appuyé - mais une démonstration vivante incarnée et un dessin animé de pantins blessés.

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce (LesSolitaires Intempestifs) , mise en scène Guillaume Barbot, direction musicale Pierre-Marie Braye-Weppe. Avec Mathieu Perotto, Yannick Landrein, Élizabeth Mazev, Caroline Arrouas, Angèle Garnier, Zoon Besse, Thomas Polleri en alternance avec Alix Briot Andréani. Création le 4 octobre au Théâtre Jean-Vilar 1, place Jean-Vilar 94400 Vitry-sur-Seine. Le 10 octobre 2025 Théâtre de Chelles. Le 16 octobre 2025 Théâtre Jacques Carat Cachan. Du 3 au 22 novembre (relâches les 9,10,11 et 16) 2025 Théâtre 13 à Paris. Le 4 décembre 2025 Théâtre du Vellein - Villefontaine. Le 30 janvier 2026 Espace Marcel Carné à Saint-Michel-sur-Orge. Le 3 février 2026 Théâtre du Vésinet. Le 7 février 2026 Les Passerelles Pontault-Combault. Le 10 février 2026 Théâtre Antoine Watteau Nogent-sur-Marne. Le 13 février 2026, Théâtre de l’Orange Bleue Eaubonne. Le 5 mai 2026 Centre des Bords de Marne Le Perreux. Le 7 mai 2026 La Faïencerie Creil.
Crédit photo : Cpgnie Coup de Poker.

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Véronique Hotte

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