Création du 5 au 26 juillet 2025, à 21h, tous les jours, relâche les 9,16 et 23 juillet, Théâtre des Halles, rue du Roi René, Festival Avignon Off.
En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski.
Une humanité condamnée à attendre paisiblement, autant que faire se peut.

Après Cap au pire, L’Image, La dernière bande, Fin de partie…, Jacques Osinski met en scène En attendant Godot, pièce emblématique du grand théâtre de Beckett, « celle qui lui a fait comprendre le concret du théâtre ».
En attendant Godot est « la » pièce mythique : deux vagabonds en chapeau melon, attendent devant un arbre malingre, espérant encore ce qu’on ne saurait dire, si ce n’est la venue de Godot. Or, on sait qu’il ne viendra pas.
La scène exige de « revenir au texte même et non à l’idée que l’on s’en fait ». La route, l’arbre, les deux compagnons... Et la lune qui se lève à la fin de chacun des deux actes - un coup de théâtre signant la fin du jour et la non-venue de Godot, peut-être demain… - une probabilité incertaine existentielle.
Jacques Osinski a choisi la version de San Quentin, à laquelle Beckett participa, validée en 1984 pour la mise en scène de Walter Asmus, plus aboutie, plus charnelle, mûrie et lourde de celui qui a expérimenté la pratique du théâtre, « ajoutant de la chair aux os » du texte, modifiant les didascalies. Ajoutant encore de l’humanité et de l’épaisseur aux liens affectifs de compagnonnage, ce qui reste peut-être quand tout disparaît ou se délite.
Estragon et Vladimir sont alors sur scène dès le début, inséparables : « Estragon est sur le sol. Il appartient à la pierre. Vladimir est lumière. Il est orienté vers le ciel. Il appartient à l’arbre », note Beckett (The theatrical notebooks of Samuel Beckett, Waiting for Godot, édité par James Knowlson et Dougald McMillan).
Ce qui frappe le praticien de la mise en scène de nos années 2025, c’est l’attention beckettienne aux déplacements, aux distances entre les corps, manière de « donner un cadre à la confusion », selon le Maître. Et effectivement, Denis Lavant en Estragon et Jacques Bonnaffé en Vladimir, forment un couple burlesque à la Laurel et Hardy, respectueux l’un de l’autre, aimant à parler pour évoquer, dire, et évoquer encore pour mieux échanger.
Le premier est une boule de nerfs, tendue, repliée sur son rocher, la tête baissée, tandis que le second se tient droit, la tête dans les étoiles, levée vers cette lune, figure à la fois paisible et solaire face à l’adversité. Denis Lavant et Jacques Bonnaffé, aussi différents soient-ils, composent une paire d’amis indéfectibles, passant le temps ensemble, dansant un ballet entre rapprochement et éloignement, chacun se sentant lui-même avec l’autre, l’écoutant et lui portant une attention de tous les instants.
Une délicatesse aux antipodes de la relation de pouvoir entre Pozzo - Aurélien Recoing - et Lucky - Jean-François Lapalus -, l’un le Maître, et l’autre l’Esclave auquel on dénie toute dignité - des échanges humiliants pour l’asservi qui ne rétorque rien au tyran, malgré sa danse et son savoir. Ce couple maudit est toutefois crédible dans son opposition morale au premier.
Aurélien Recoing joue le goujat satisfait de ses prérogatives, manipulateur autoritaire et odieux face à la soumission : l’inverse du couple Gogo et Didi. Et Pozzo et Lucky reviendront amoindris, l’un aveugle et l’autre mutique.
Beckett a saisi l’essence des relations humaines en ce monde, l’attente, l’espoir réel. Les deux vagabonds ont été jetés là, sur une route, à attendre. Ecrite en 1948, la pièce se souvient de l’engagement de l’auteur dans la Résistance, fuyant à Roussillon. Godot serait un passeur sauvant peut-être ceux qui sont en fuite ou doivent se cacher, les faisant passer en zone libre.
En attendant, le merveilleux couple beckettien de Bonnaffé/Lavant est au rendez-vous de la scène, dégageant une sincérité et une authenticité qu’il fait bon respirer et sentir en des temps redevenus très obscurs et insaisissables.
En attendant Godot de Samuel Beckett (Editions de Minuit), scénographie, Yann Chapotel lumière, Catherine Verheyde costumes, Sylvette Dequest, mise en scène de Jacques Osinski. Avec Jacques Bonnaffé, Jean-François Lapalus Denis Lavant, Aurélien Recoing. Création du 5 au 26 juillet 2025, à 21h, tous les jours, relâche les 9,16 et 23 juillet, Théâtre des Halles, rue du Roi René, Festival Avignon Off. Tél : 04 32 76 24 51, www.theatredeshalles.com. Le 27 juillet 2025 au Festival de Figeac. Le 29 juillet 2025 au Festival Beckett, à Roussillon. Du 25 mars au 3 mai 2026 Théâtre de l’Atelier (Paris). Mars 2026, tournée Rhône-Alpes. Printemps 2026 au TAP (Poitiers). Automne 2026, Théâtre Montansier (Versailles) .
Crédit photo : Pierre Grosbois



