Du 6 au 10 mars 2024 à La Commune - CDN - Aubervilliers.

Don Carlos - Schiller et Loft Story - par Ferdinand Flame.

Une quête vaine du romantisme comme pensée littéraire et politique.

Don Carlos - Schiller et Loft Story - par Ferdinand Flame.

Avec Don Carlos, Ferdinand Flame se réfère à la fable politique de Schiller pour la mêler, dit-il, au dispositif de l’émission de télé-réalité Loft Story. Rien n’est simple. Pour le metteur en scène, les protagonistes historiques de Don Carlos voient la Cour d’Espagne sombrer dans un régime de post-vérité, suite à la trahison de leur roi : mise en résonance avec le terrarium où Loana et ses acolytes rivalisent pour gagner en reconnaissance.

Or, pour le concepteur, quelque chose se déplace, entre les fake news et le royaume des apparences : les personnages du XVIe siècle, les jeunes gens du loft, mais aussi les interprètes de la pièce ne cessent de se débattre car leur quête d’amour ne faiblit pas.

Le recours aux techniques de la télé-réalité – surtitres, confessionnal, voix off – fabrique une machinerie théâtrale diabolique où le vrai est un moment du faux (Guy Debord). Avec le soupçon, l’exigence de sincérité, et avec le mensonge, le désir, l’idéal romantique de vérité.
Théâtre et société, un même monde d’apparences, apprécié ici dans l’humour et la satire.

Les références de Ferdinand Flame semblent primesautières et désinvoltes, à l’image de ses quatre valeureux comédiens, Claire Toubin, Jeanne Berger, Guillaume Gendreau, Oscar Montaz qui ne ménagent pas leurs efforts pour incarner leur drôle de personnage. Des histrions, des clowns bien sympathiques qui cultivent l’humour, la moquerie et la dérision, s’adressant au public en amis, présents sur la scène, à l’écoute de l’autre. Ils paraissent tout droit sortis d’un atelier de théâtre dont ils ont apprécié les découvertes.

La blonde Claire Toubin au sage visage et à la robe royale est capable de comportements inattendus les plus extravagants et outranciers : elle absorbe, un à un, ses petits sachets de purée de fruits, accrochés à sa ceinture, dont elle jette systématiquement à terre le contenant, avant d’en vomir le contenu, sans nul doute écoeurée et dégoûtée. Elle porte sur son jean l’armature d’un panier de robe d’époque, et sur la tête, une lampe à perles. Un monde à elle seule, et rien ne va plus quand la performeuse se met à hurler trop longtemps, le directeur d’acteurs étant incapable d’en apprécier la juste mesure.

La tonique Jeanne Berger n’a pas sa langue dans sa poche, organisatrice et meneuse de revue, elle va et vient sur le plateau, interpelle le public, commente et explique. L’actrice est vive et rayonnante, à l’aise dans ses tenues d’une garde-robe pratique plutôt choisie.
Oscar Montaz raconte les années Covid où il laisse un peu tomber le théâtre pour travailler en tant que garçon de café : il investit l’espace, danse, saute et chante bien Love me, Please Love me de Michel Polnareff. L’acteur est bon enfant, ouvert, plein d’humilité.

Quant à Guillaume Gendreau dont on craignait le pire, en le voyant à l’orée du spectacle, chercher son costume, revêtu d’une simple serviette de bain, et on le retrouvera d’ailleurs à la fin, en posture christique dénudée encore et portant la traverse de bois de sa croix. Entretemps, il aura révélé ses talents de débatteur et de chanteur à la Gainsbourg, son habileté à dire en allemand dans la langue originelle des bribes du texte de Werther, sans oublier ses lectures parcourues des romantiques, révolutionnaires historiques ou anarchistes, ses réflexions sur les tendances au suicide de bon nombre d’artistes.

Des comédiens talentueux, on regrette leur sous-emploi, un peu errants et abandonnés à leurs improvisations dont il aurait fallu trouver et tisser un fil plus solide et liant, en dépit d’une dé-construction aléatoire : exit Don Carlos, exit le romantisme, exit la politique….

Don Carlos d’après F. von Schiller et l’émission de télé-réalité Loft Story, conception et mise en scène Ferdinand Flame, aide à la conception et dramaturgie Rachel De Dardel, écriture du texte ensemble de l’équipe artistique, jeu Claire Toubin, Jeanne Berger, Guillaume Gendreau, Oscar Montaz, création lumière Marco Hollinger, création sonore Baudouin Rencurel, scénographie-costume Antonin Fassio. Du 6 au 10 mars 2024, vendredi 20h30, samedi 18h, dimanche 16h à La Commune - centre dramatique national - Aubervilliers, 2 rue Édouard Poisson 93300 - Aubervilliers. Tél : 01 48 33 16 16.
Crédit photo : Joséphine Berthou.

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Véronique Hotte

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