Depois do silêncio (Après le silence) de Christiane Jatahy

Pour la reconnaissance des droits des afro-descendants et indigènes brésiliens.

Depois do silêncio (Après le silence) de Christiane Jatahy

Signe positif à côté d’un drôle de contexte politique général, de par le monde, Lula a obtenu une victoire, quoique modeste, à l’élection présidentielle brésilienne, face à Bolsonaro : c’est mieux.

Après ses créations avec des équipes européennes, Christiane Jatahy revient au Brésil, sa terre natale. Adapté du roman Torto Arado (La Charrue tordue) d’Itamar Vieira Junior (2019), Depois do silêncio  invite à la découverte des communautés rurales de l’État de Bahia, dans le Nordeste - berceau du mouvement des Sans-terre qui revendique le droit à la propriété ; Lula en fut le leader.

Le premier volet de la Trilogie des horreurs posait la question du racisme, le second du patriarcat, le troisième ici, de l’histoire du roman de Torto Arado (La Charrue tordue) d’Itamar Vieira Junior. Christiane Jatahy, à travers Depois do silêncio, donne la voix aux populations pauvres autochtones et afro-descendantes pour lesquelles la propriété de leurs terres ancestrales cultivées est restée inaccessible, vu la cupidité et la violence des grands propriétaires et des gouvernements.

Accompagnées par un percussionniste - Aduni Guedes -, trois jeunes femmes, interprétées par des actrices afro-brésiliennes et indigènes - Juliana França, Lian Gaïa, Gal Pereira -, remontent l’Histoire, notant la survivance de l’esclavage dans la société contemporaine - racisme structurel.

Dans un récit intime empreint de réalisme magique, elles racontent la vie dans les campagnes et la lutte pour le droit à la terre, la liberté et l’identité. Sur scène, trois écrans permettent à des membres des communautés de Remanso et Iúna d’entrer en dialogue avec les personnages, via des images enregistrées au cours d’un travail de terrain dans la région du déroulement du roman.

Le spectacle comprend des extraits de Cabra marcado para morrer (Un homme marqué par la mort) d’Eduardo Coutinho, un film documentaire de 1984 sur les événements qui ont conduit à l’assassinat du leader d’un syndicat paysan dans les années 1960. Entre théâtre et cinéma, fiction et réalité, le théâtre de Christiane Jatahy joue de l’espoir, même utopique, d’un changement.

Quand bien même le bolsonarisme et le Covid - quatre années d’un passé révolu, espère-t-on - ont été fatals pour les femmes, les personnes LGBT et les populations noires des favelas, victimes de violences diverses dont les difficultés d’accès aux soins et à l’éducation, du machisme ambiant.
Agir contre l’injustice sociale et la non visibilité de certaines communautés, qui, versées dans le déclassement, peuvent rallier, pour une partie d’entre elles, l’idéologie réactionnaire de Bolsonaro.

La scène est ainsi l’espace d’expression et de révélation des problèmes à portée de connaissance.
Equilibre troublant, entre fiction et présent politique, quand les femmes veulent venger leurs ancêtres. Juliana França, Lian Gaïa et Gal Pereira sont actrices - interprètes et performeuses de leur expérience, incarnant à la fois, au plus près et dans la distance, leur propre personnage.

Fiction, cinéma, théâtre, réalité, elles interrogent l’accès à la terre des afro-descendants, donnant à voir ces villes de forêt, fondées par des esclaves marrons, militant pour la cause des Sans-terre.

Le spectacle s’articule autour du film tourné sur place, dans la communauté afro-indigène - un film de fiction qui raconte des faits réels, et les comédiens interagissent avec les images.
Un témoignage dont elles font justice et occasion de proposition scénique, se pliant aux exigences des ancêtres et des esprits qui les habitent, se livrant à la transe, à l’écran comme sur le plateau - soubresauts, danses rotatives, le dos penché, que les comparses soutiennent pour leur sécurité.

Colère, lucidité et apaisement, prise de conscience et pédagogie, le spectacle impose le respect.

Depois do silêncio (Après le silence), d’après le roman Torto Arado d’Itamar Vieira Junior ( édit.Zulma), conception, mise en scène et texte de Christiane Jatahy, artiste associée. Avec Juliana França, Lian Gaïa, Aduni Guedes, Gal Pereira. Avec les extraits du film Cabra marcado para morrer d’Eduardo Coutinho. Collaboration artistique, décor et lumières Thomas Waldgrave, photographie et caméra Pedro Faerstein, musique originale Vitor Ajauro, Aduni Guedes. Du 23 novembre au 16 décembre 2022, du mardi au jeudi 20h, vendredi et samedi 19h, dimanche 18h. Avec l’Odéon-Théâtre de l’Europe spectacle hors-les-murs, au Centquatre #104Paris, 5 rue Curial 75019 Paris - spectacle en portugais sur-titré en français. Tél : 01 53 35 50 00, billetterie@104.fr
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

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Véronique Hotte

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