An Oak Tree de Tim Crouch au Cloître des Célestins à Avignon.
La blessure existentielle et irrésolue du deuil d’un proche.
Abordant la question du deuil, l’auteur, metteur en scène et acteur anglais Tim Crouch interroge le théâtre dans sa puissance rituelle de transformation et de métamorphose. Faire son deuil est une manière d’accepter d’être soi-même transformé, changé, déplacé, dés-installé. Tous les soirs, un nouvel acteur endosse le rôle d’un père en quête d’assistance et de consolation, si ce n’est de réponses, découvrant avec le public, et pas à pas, les mots choisis et leur pouvoir d’évocation.
Un père a perdu sa fille dans un accident, et depuis, il sombre dans le chaos, percevant la présence de son enfant à travers un arbre et son silence. Au Cloître des Célestins à Avignon, les deux platanes font oeuvre d’emblème, citant approximativement le chêne de An Oak Tree.
L’enfant logé dans un arbre ou bien l’arbre logé dans l’enfant, l’acteur en personnage ou bien le personnage dans le rôle de l’acteur. La métamorphose se renouvelle et se perpétue, chaque soir, invitant un ou une interprète à se glisser anonymement dans le rôle du père : Teresa Coutinho, Adama Diop, David Geselson, Natacha Koutchoumov, Cynthia Loemij, Vítor Roriz.
Celle-ci ou celui-ci, ignorant la pièce et son intrigue, les découvre face aux spectateurs, réplique après réplique. Depuis vingt ans, Tim Crouch développe un théâtre centré sur le public et la puissance des mots. An Oak Tree est sa deuxième pièce écrite en 2005, tournant à travers le monde 360 fois et plus à ce jour, An Oak Tree est présentée pour la première fois en France.
Tim Crouch, crâne glabre et oeil bleu est le prestidigitateur royal, l’hypnotiseur, le magicien, l’enchanteur dans tous les sens du terme, vêtu d’un pantalon noir british, d’une chemise blanche et d’un gilet scintillant d’illusionniste, il va et vient de jardin à cour en arpentant le plateau, tel un Monsieur Loyal sûr de sa présence et de ses effets, mais devenu humble à cause du deuil.
Ce soir-là, la comédienne brésilienne Teresa Coutinho joue le jeu, souriante et un rien moqueuse, à l’écoute du maître de cérémonie qui s’amuse de la musique, de son micro et de ses oreillettes lui permettant de s’adresser à l’invitée sur la scène, sans que le public ne sache de quoi il retourne.
Enigme et mystère de la vie et du théâtre, le public reste très attentif à la situation qui prend vie, tenu dans une manière de suspens dont la résolution n’adviendra pourtant pas, un peu déçu et restant sur sa faim, sur son désir de théâtre et de perception existentielle d’un deuil universel.
La défunte est contenue en chacun, ombre évanouie de la vie avant soi-même, rappel de la condition de l’être au monde, magie accomplie qui ne vas pas sans son anéantissement annoncé.
Spectacle charmant au sens fort, mais un peu court, qui pose la question restée inachevée de reconnaître la mort de l’Autre et de soi.
An Oak Tree, texte Tim Crouch ( Un chêne suivi de L’Auteur de Tim Crouch, traduction Jean-Marc Lanteri, éditions Les Solitaires intempestifs), mise en scène Tim Crouch, Karl James, Andy Smith, musique Peter Gill, traduction pour le sur-titrage Catherine Hargreaves. Avec Tim Crouch et un nouvel invité chaque soir : Teresa Coutinho, Adama Diop, David Geselson, Natacha Koutchoumov, Cynthia Loemij, Vítor Roriz. Festival Avignon In. Jusqu’au 10 juillet à 22h, au Cloître des Célestins.
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage