35ème édition des Francophonies de Limoges

Le changement dans la continuité

 35ème édition des Francophonies de Limoges

« Le présent et le futur tètent au même sein qui est le passé ». En mettant ce dicton, emprunté à la sagesse africaine, en exergue de sa programmation, Hassane Kassi Kouyaté , nouveau directeur de la manifestation, confesse qu’il ne dément rien des rêves fondateur de ce festival fondé en 1984 par cet utopiste impénitent que fut Pierre Debauche devenu aujourd’hui un rendez-vous phare, une Mecque de rencontres et d’échanges où se vérifie le vif d’une création sans assujettissement. Un sillon successivement creusé et fertilisé par la suite par Monique Blin, Patrick Le Mauff, et Marie-Agnès Sevestre qui passa le relais au nouveau directeur en saluant « un homme à l’horizon vaste ».
Burkinabé issu d’une famille de griots, fils de Sotigui Kouyaté comédien phare des spectacles de Peter Brook, Hassane Kassi Kouyaté, conteur, comédien, metteur en scène, musicien a, un pied en Afrique, un pied en France, fondé la compagnie Deux temps trois mouvements, le Théâtre Galande à Avignon, un centre culturel à Bobo – Diolasso sa ville d’origine où il créa le Festival Yeleen, manifestation internationale, devenue incontournable qui témoigne du caractère essentiel du conte et de la diversité des courants qui l’alimentent. Il était directeur de la Scène nationale Tropique Atrium de la Martinique lorsqu’il fut nommé à Limoges, ville qu’il connait bien pour avoir participé soit comme comédien, soit comme créateur à quelques éditions des Francophonies.
C’est en artiste complet qui a mûri son art et sa réflexion en patrouillant dans la sphère francophone et ses disparités qu’il a pris les rênes du Festival. Pour lui, assumer l’héritage de ses prédécesseurs ce n’est pas seulement défendre « une francophonie de chair, de création, de dialogue et de partage » c’est le faire fructifier en tenant compte des mutations du monde et partant, aborder la francophonie au-delà de la seule langue mais « dans la diversité des expressions, des formes, des cultures elles-mêmes » Une mutation inscrite dans une nouvelle appellation : « Les Francophonies des écritures à la scène », et un nouveau tempo qui double les zébrures du zèbre symbole du Festival. Alors que celles du printemps braquent leurs projecteurs sur la Maison des auteurs en centrant ses propositions autour de la dramaturgie, celles-ci, d’automne témoignent, en chants, danses, musique, théâtre, cinéma, arts du cirque et marionnettes, des vertus du métissage des formes, « du frottement des disciplines et des territoires ».
Ce ne sont pas moins de 27 spectacles que nous propose cette 35éme édition qui investit un nouveau lieu, la caserne Marceau une ancienne friche transformée pour l’occasion en pôle de rencontres, terrain d’expérimentation, espace de tous les possibles et esquisse comme on teste quelques nouvelles zébrures d’automne. Ce sera, justement à la caserne Marceau, Rituels vagabonds , une création participative concoctée par la chorégraphe Josiane Antourel tout au long d’un travail en résidence à Limoges avec des amateurs de la ville et de la région et tissée de danse, chant, jeu, arts plastiques . Le même soir, au même endroit, le groupe BIM (Benin International Musical) mixera les rythmes vaudous, les chants traditionnels béninois aux sonorités trip- hop, pop-rock et électro acoustique.
Autre « nouvelle graine semée pour le futur » : Un instrument, une voix qui « associe pendant une heure, dans des endroits inattendus, des instruments et des textes, des paroles portées en musique au plus près de chacun de nous » précise Hassane kassi Kouyaté. Les précurseurs de ces nouvelles zébrures seront, venus du Sénégal : Babacar Gualy, jeune comédien, Daniel Sorano virtuose du kora (Ode à l’amour), les suisses, Sacha Maffli et Emilien Colin qui, entre voix, guitare et accordéon, s’inspirent de Brel, Gainsbourg ou Piaf « pour créer un habile trait d’union entre les souvenirs d’hier et les histoires d’aujourd’hui ( Les fils du facteur). Il y aura aussi venus de la Réunion et du Sénégal Nelly Cazal et Ousseynou Mangane qui aux sons du balafon, de la guitare et des percussions raconteront une histoire badigeonnée d’esclavage, de migration, de terre perdue et retrouvée, de corps exilés (Kozé an Shanté).

Aux Francophonies le métissage des disciplines et des territoires multiplie et enrichit en les diversifiant, les regards portés sur le monde. Son futur incertain, son présent pas folichon, avec ses solitudes, ses fracas, ses migrants malmenés, ses victimes climatiques, sont au cœur du programme théâtral avec deux créations : Pourvu qu’il pleuve de Sonia Ristic, mise en scène Astride Mercier, Le pire n’est pas (toujours) certain texte et mise en scène Catherine Boskowitz, une première en France : La fin du monde évidemment d’Hervé Loichemol et qu’il met en scène avec des acteurs béninois, trois pièces à découvrir ou revoir : Cœur Minéral de Martin , mis en scène par Jérôme Richer, Jours tranquilles à Jérusalem de Mohamed Kacimi dans la mise en scène de Jean-Claude Fall et, réalisé par Jean-Claude Berutti, Etranges étrangers de l’auteur israélien Josha Sobol qui sera présent au Festival et dialoguera en public avec Hassane Kassi Houyaté autour de son parcours d’écrivain, mais aussi autour de ses écrits critiques sur la société israélienne. En effet, les Francophonies ne sauraient être qu’un alignement de spectacles, c’est aussi, articulés au programme des rencontres avec les artistes, des projections, des ateliers, des stages. Notamment cette année avec le marionnettiste à gaine Yeun Faï présent à l’affiche avec The puppet- show man . Cette nouvelle édition aura également sa version off avec Djon bé sini don ? (Qui connait l’avenir ?) de et par l’artiste malienne Alima Togola. Un seul en scène où, à travers le refus d’une jeune femme africaine d’endosser le rôle d’épouse soumise qu’exige la tradition, l’auteure- interprète, « déplace son regard de l’Afrique à l’Occident et de l’Occident à l’Afrique et sur la toujours à venir « déracialisation » »

Tout se terminera par une turbulente et somptueuse nuit francophone pendant laquelle du soir 18h au lendemain matin 6h, les artistes invités et quelques autres venus spécialement s’égailleront dans toute la ville, investiront les rues, les bars, le commerces qui resteront ouverts, les places publiques et nous proposeront des moments de musique, de poésie, de danse, de performances, de cirque. Ce sera comme l’explique le nouveau directeur : « une expérience sensorielle, poétique, gustative, une traversée dans une ville qu’on découvrira sous la lumière des étoiles et au son de la Kora »

LES FRANCOPHONIES Des écritures à la scène à Limoges
Du 25 septembre au 5 octobre tel 05 55 33 33 67 www.lesfrancophonies.fr
Tarif 20 et 15 €

Photos : « Cercle égal demi-cercle au carré » chorégraphie Chantal Loïal © Patrick Berger, « Le pire n’est pas (toujours) certain" photo de répétition © Bruce Milepied-Hans Lucas

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre...

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