Bruxelles - La Monnaie jusqu’au 29 septembre 2009

SEMELE DE GEORG FRIEDRICH HAENDEL

Haendel englouti dans les pritreries d’un faux carnaval chinois

SEMELE DE GEORG FRIEDRICH HAENDEL

Quelle mouche a pu piquer Peter de Caluwe, l’avisé patron de La Monnaie de Bruxelles, de confier décors, mise en scène et tutti quanti d’un chef d’œuvre de Haendel à un plasticien chinois qui manifestement n’en a pas le moindre goût ?

Vivant depuis une quinzaine d’années entre Shanghai et New York, Zhang Huan est une figure à la mode, champion de performances inédites où la nudité, la sexualité, les animaux, vrais et faux et les bizarreries les plus échevelées tiennent lieu de protestations politiques ou sociétales. Créateur de peintures et des sculptures de cendre et de bois s’inspirant du bouddhisme tibétain, il n’avait pas encore inscrit la mise en scène et la scénographie dans le cheptel de ses inspirations. Haendel à La Monnaie signe son premier essai. On peut espérer qu’il s’en tiendra là.

On est loin du charme et de la poésie qu’avaient opéré en 2004 au Théâtre des Champs Elysées le duo du metteur en scène David McVicar et du chef d’orchestre Marc Minkowski, qui avaient osé jouer l’intégrale de l’œuvre sur une durée de presque quatre heures de musique et de bonheur.

Un Kamasoutra de troupiers

Que reste-t-il à la Monnaie, malgré les coupures, de ce 43ème et dernier chef d’œuvre lyrique du prolifique Allemand de Londres, cette Sémélé pour ainsi dire testamentaire, mi-opéra, mi-oratorio qui, entre ciel et terre, raconte les ravages opérés par ce dieu aveugle qu’est l’Amour ? Une suite de tableaux aux relents de carnaval, aux effets sans queue ni tête où la trivialité le dispute au kitsch de bazar. On y croise pêle-mêle des bonzes en tuniques orangées, un faux cheval qui fait des câlins à la pauvre Sémélé condamnée à épouser un homme qu’elle n’aime pas, puis, quelques scènes plus tard, quand la même Sémélé a rejoint Jupiter, l’homme-dieu de sa vie, un âne saisi de priapisme se soulage sur l’une des colonnes du temple, tandis que les prêtres, pris à leur tour de folie érotique, tombent robes et pantalons pour s’enfiler dans les poses d’un Kamasoutra de troupiers. On peut y ajouter le combat - non conforme - de deux Sumos japonais, l’intrusion d’une chanteuse exécutant à la fin du premier acte une – fort belle – mélopée mongole à laquelle Haendel n’avait sûrement jamais osé rêver. Encore moins d’entendre son œuvre se clore sur l’air de l’International exécuté en murmure off, tandis qu’un gros plan filmé baigne de larmes un visage de femme.

Ce visage de femme qui ramène le spectateur au début du spectacle, à ce déferlement d’images défilant par-dessus la musique de l’ouverture, censé résumer la saga du temple bouddhiste que Zhang Huan sauva et restaura et qu’il fit reconstruire en l’état à La Monnaie pour lui servir de décor.

Quelques jolies surprises

Les déconvenues de cette mise en pièce scénique ne sont hélas pas compensées par la qualité du chant, les deux cantatrices chinoises chargées de défendre les trois premiers rôles féminins – la mezzo Ning Liang en Junon et Ino, sœur de Sémélé et la soprano Ying Huang pour le rôle titre – ne sont guère à la hauteur de l’enjeu, la première s’essouffle à la moindre vocalise, la seconde, malgré quelques beaux moments et des déhanchements aguicheurs, peine à maintenir ses aigus au niveau de séduction que requiert son personnage. Quelques jolies surprises cependant : le Jupiter de Jeremy Ovenden dont le timbre réussit à faire oublier le grotesque de ses accoutrements et de son jeu, le Somnus ironique de la basse Kurt Gysen et surtout la délicieuse Iris, suivante de Junon, de Sarah Tynan, jeune soprano anglaise de charme et de bagout avec laquelle il faudra désormais compter.

Reste enfin l’exigeant et pointilleux Christophe Rousset, qui fait jongler du mieux qu’il peut les musiciens de son ensemble les Talens Lyriques avec les invraisemblances de la mise en scène et qui doit sans doute se demander ce que, diable, il allait faire dans cette galère…

En guise de lot de consolation et de pittoresque, les spectateurs ont droit à la statue d’un gigantesque Bouddha de cuivre à trois pattes – œuvre de Zhang Huan - planté sur le parvis du théâtre et qui durant l’entracte accueille dans ses flancs un joli numéro de chants de Mongolie.

Sémélé de Goerg Friedrich Haendel par l’ensemble Les Talens Lyriques, direction Christophe Rousset, mise en scène, scénographie Zhang Huan, costumes Han Feng, lumières Wolfgang Göbbel. Avec Jeremy Ovenden, Nathan Berg, Ying Huan, Ning Liang, David Hansen, Kurt Gysen, Sarah Tynan.

Bruxelles, la Monnaie, les 8,10,12,18,22,24 & 29 septembre à 19h30, les 20 & 27 à 15h.

+32 (0) 70 23 39 39 – www.lamonnaie.be

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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