Danièle Fouache : La passion de transmettre

« La réussite vient quand on commence à être fiers de ce qu’on fait"

Danièle Fouache : La passion de transmettre

Brune aux cheveux drus, parfois coiffés par le vent, le regard toujours droit, le verbe toujours clair, Danièle Fouache, fondatrice et responsable de l’opération pédagogique de l’Opéra National de Paris, « Dix Mois d’Ecole et d’Opéra » célèbrera le 17 juin prochain la vingtième édition de cette entreprise hors norme qui est un peu son enfant. Vingt ans d’obstination pour créer chez les hommes en devenir– de 5 à 22 ans - un éveil, une curiosité un désir par la découverte « in situ » de tous les métiers liés à une maison d’opéra.

Plus d’une centaine en vérité, sous toutes sortes de formes d’artisanat, depuis la conception et la fabrication des décors, des costumes, chaussures, chapeaux et des accessoires, la subtilité des maquillages, la science des coiffures et des perruques, la magie des éclairages, la rigueur des régies. Et leur face artistique : les auteurs, leurs œuvres, leurs musiques, leurs textes et livrets, la variété des mises en scène, l’orchestre et ses chefs, les interprètes, chanteurs danseurs, comédiens, choristes, acrobates parfois. Sans compter les rencontres avec les artistes les plus réputés. Une plongée dans les réalités d’un rêve que Danièle Fouache et son équipe destinent en priorité aux petits des maternelles, aux ados et à tous les jeunes adultes issus des quartiers négligés des académies de Paris, de Versailles et de Créteil. Plus d’un millier d’entre eux participe sur une période de deux années aux divers travaux. Chaque année est couronnée au final en juin par un spectacle inventé et créé par eux.

C’est en 1991 que naissait dans les coulisses puis sur la scène de l’Opéra National de Paris cette initiative d’un type inédit, l’une des plus originales des mondes de la musique et de l’enseignement. Ou plus exactement de la culture par l’immersion dans le monde de l’opéra. Enseignante, professeur de lettres, passionnée depuis l’enfance de théâtre et de littératures – toutes les littératures, tous les mots pour les écrire – Danièle Fouache proposait à la direction de l’Opéra National de Paris une expérience jamais tentée nulle part : associer les élèves d’écoles de quartiers dits défavorisés à un projet de pédagogie interactive. Encouragé par Martine Kahane qui allait devenir la directrice du Service Culturel de l’Opéra, le principe « Dix mois d’école et d’opéra » fut soutenu par les directeurs successifs de la maison, Pierre Bergé d’abord, puis Hugues Gall, Gérard Mortier, Nicolas Joël. Et enfin Christophe Ghristi, l’actuel directeur de la dramaturgie et du service pédagogique, elle « officie » depuis une génération entière.

Danièle Fouache connaissait la maison où elle avait, dix ans plus tôt été pratiquement happée - un remplacement in extrémis -, pour un stage d’entreprise au Palais Garnier. Bernard Lefort, directeur de l’époque, l’assigna pour commencer à un travail de manutention consistant à vider une pièce contenant les bijoux ornant les costumes du répertoire. « Il y en avait plus de 10.000 », se souvient-elle. Elle les trie, les nettoie, les classes, les restaure, avec parfois l’aide d’élèves d’écoles professionnelles dont elle découvre en même une forme de précarité.

Quand elle avait à leur âge, en un temps où la télé existait à peine, au lycée de Fécamp, un internat pour filles, elle s’enivrait de lectures, de tout ce qu’elle trouvait d’imprimés, romans, poésie, philosophie. Première en français et en dessins, elle avait la bougeotte, innovait, bousculait, créait un ciné club, un atelier théâtre, organisait des sorties. « Une : façon aussi de rencontrer des garçons et de ne pas être seule », sourit-elle. Sortie de l’école elle fonde une troupe de théâtre, joue la comédie et monte une trentaine de pièces et finit par rejoindre le groupe de recherches de l’Education nationale. Devenue formateur, en France et à la Réunion, elle se trouve trop souvent face à des enfants mal dans leur peau, des mauvais sujets, des cancres, des délaissés. Les inégalités sont flagrantes. « Il a quelque chose de pourri au royaume de l’éducation nationale… » se dit-elle.

Naissance d’une vocation qui ne l’a jamais quittée : les aider à s’en sortir, trouver les moyens de braver l’échec, de mettre en éveil, apporter un peu de lumière et d’espoir à ces gosses ghettoïsés dans des « classes poubelles » qui se révèlent performants dans l’artistique et l’artisanat alors qu’ils sont nuls ailleurs. « Plus l’enfant est en difficulté, plus l’exigence doit être haute » constate-telle. Et ajoute « La réussite vient quand on commence à être fiers de ce qu’on fait. Etre ambitieux pour les jeunes est une façon de les respecter »

Elle invente alors le pont qui relie l’artistique au pédagogique : ces dix mois d’école et d’opéra qui fêtent cet été leur 20ème anniversaire.(Lire l’article sur les "Dix mois d’école et d’opéra")

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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2 Messages

  • Danièle Fouache : La passion de transmettre 18 septembre 2011 16:57, par fredddy lethuillier , une femme seule de dario fo

    chere danielle , la passion t’anime toujours et tu m’ as tranmis le virus . j’ anime le club theatre de mon college a sainte maxime et je viens de finir d’écrire une piece ! j’ aimerais que tu la lise .bizzz freddy

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  • Danièle Fouache : La passion de transmettre 18 août 2013 22:03, par Claudine Rousseau-Guy

    Chère Danièle ,
    Allez , je me décide à t’écrire -depuis le temps que je le souhaitais .
    Oh , que de temps passé depuis notre stage théâtre organisé par l’Académie de Versailles en 1985/86 et nos séances du mardi après-midi avec Antonio au Théâtre de L’épée de Bois à La Cartoucherie de Vincennes ! Il faudrait pouvoir se retrouver longuement(mais, as-tu du temps et l’envie ?) .
    J’ai souvent pensé à notre tentative de monter une adaptation du procès de Bobigny et des fables de La Fontaine cette année- là
    Tout cela m’est revenu en juin lorsque mon fils ( clarinettiste ) a participé à la création du compositeur Fabien Waskman dans le cadre de ton action et en a été très ému . Comme tu le vois ,le monde est petit et c’est drôle de repenser à tout ça . Amitiés et à bientôt peut-être . Claudine Rousseau.

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