Paris - Théâtre des Champs Elysées, les 12 & 14 septembre 2009

LES SEPT PECHES CAPITAUX - MAHAGONNY SONGSPIEL

Kurt Weill et Bertolt hors jeu et hors contexte

LES SEPT PECHES CAPITAUX - MAHAGONNY SONGSPIEL

Pour le démarrage de sa dernière saison à la tête du Théâtre des Champs Elysées, Dominique Meyer, futur patron de l’Opéra de Vienne, fait une petite entorse à son amour du baroque. Il en avait donné dès juin dernier un avant-goût avec la version de concert de l’Opéra de Quat’sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill où le rôle de Jenny était chanté par Angelika Kirschschlager, mezzo soprano salzbourgeoise et mozartienne raffinée.

C’est elle qui fut appelée, pour deux représentations à défendre deux courtes œuvres des mêmes auteurs et compositeurs, Mahagonny Songspiel et les Sept Péchés Capitaux, totalisant à peine une heure et dix minutes de spectacle, pause - incongrue - comprise. Un hors d’œuvre en quelque sorte qui laisse sur sa faim, d’autant que les deux pièces sont montées et jouées hors contexte.

Mahagonny Songspiel, cantate pour quatre voix d’hommes et deux voix de femmes, préfigure, trois ans avant sa création, l’opéra Grandeur et Décadence de la Ville de Mahagonny (1930) : une esquisse certes intéressante musicalement mais dramatiquement inexistante.
Les Sept Péchés Capitaux-Die sieben Todtsünden quant à eux n’étaient pas non plus destinés à prendre une forme purement théâtrale : c’est la danse et le chant qui y sont sollicités et si le Théâtre des Champs Elysées les avait ressuscités dans leur contexte d’origine on aurait mieux compris ce coup de chapeau à une œuvre qui fut créée dans ses murs en 1933, alors que Brecht et Weill venaient de s’exiler de l’Allemagne brutalement devenue nazie. Le premier en Suisse, le second à Paris où il fut accueilli par de nombreux amis et admirateurs, Cocteau, Darius Milhaud et un jeune chorégraphe nommé Georges Balanchine.

Celui-même qui allait réaliser le « ballet dansé » des Sept Péchés Capitaux, ultime collaboration de Brecht et Weill, commande d’un riche mécène anglais, joué pour la première fois avenue de Montaigne le 7 juin 1933. Lotte Lenya, l’épouse de Weill y campait Anna I, celle qui chante les déboires de sa sœur, son double dansant, Anna II qu’interprétait la danseuse Tilly Losch.

A Paris, Juliette Deschamps, jeune metteur en scène de belle ascendance (Jérôme Deschamps, patron de l’Opéra Comique et inventeur de la saga des Deschiens est son père, la décoratrice Macha Makeïeff, sa mère, conçut pour elle les costumes du spectacle) concentra toute son énergie sur la seule personne d’Anna I, chantée, jouée par Angelika Kirschschlager, avec conviction, justesse et même flamme, mais dans un registre trop éloigné du style qu’exige cette musique aux relents de jazz et de bastringue, taillée pour la gouaille d’une actrice diseuse plutôt que chanteuse lyrique. Lotte Lenya en avait les accents et la canaille tout comme Gisela May, autre étoile du célèbre Berliner Ensemble de Brecht et de Weigel. Anna II (Cécile Ducrocq) apparaît, chante un peu, mais ne danse pas…

De même la direction impeccable et précise du talentueux Jérémie Rohrer à la tête de l’Ensemble Modern est en constant décalage avec l’esprit de l’œuvre. L’orchestre devrait être sur scène, jouer de ses instruments autant que des situations, se laisser emporter par les mésaventures soit disant amorales d’Anna II qui succombe à tous les péchés pour pouvoir enfin réunir les dollars qui lui permettront d’acheter une maison en Louisiane… On devrait entendre les ricanements de Brecht dénonçant la course au fric du capitalisme, on assiste à un concert bien policé et on s’ennuie.

Malgré le look à la Louise Brooks d’Angelika Kirschschlager, malgré les images qui défilent en noir et blanc pour les écrans du décor pour recomposer les contours de cette Amérique-là.

Mahagonny Songspiel et Die Sieben Todtsünden de Kurt Weill sur des textes de Bertolt Brecht, Ensemble Modern, direction Jérémie Rohrer, mise en scène Juliette Deschamps, décors Nelson Wilmotte, costumes Macha Makeïff, lumières Dominique Bruguière. Avec Angelika Kirschlager, Simeon Esper, Yves Saelens, Holger Falk, Graeme Broadbent.

Théâtre des Champs Elysées – les 12 & 14 septembre 2009 à 19h30

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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