Jusqu’au 27 janvier au Théâtre des Bouffes du Nord

Un Sentiment de vie, de Claudine Galea

Seule en scène, Valérie Dréville donne corps et voix à un texte dense, hymne à la vie

Un Sentiment de vie, de Claudine Galea

Incroyable Valérie Dréville ! Non seulement l’actrice réussit à donner corps et voix à un texte autobiographique qui, a priori, ne semble pas fait pour le théâtre, mais elle l’interprète comme s’il était sien. C’est peu dire que le texte de Claudine Galea, porté à la scène sous la direction très discrète d’Émilie Charriot, et les variations de lumières imperceptibles d’Edouard Hugli, ne répond pas à la définition d’une pièce de théâtre. Sans dialogues ni personnages ni situations, c’est un monologue écrit à la première personne auquel Valérie Dréville, sur le plateau nu des Bouffes du Nord, donne vie. Comme un accouchement qui se ferait par la voix. Avec quelques pointes d’humour et beaucoup d’énergie et d’émotion.

La vie, ou plus précisément « un sentiment de vie », c’est ce que cherche à attraper l’autrice dans ce texte bourré de renvois ou plutôt d’évocations d’auteurs passés ou présents qui ont en partage la quête du flux vital de l’écriture. « Pas de texte sans sentiment de vie », dit Claudine Galea, dans ce texte touffu, défendu par l’actrice sur un rythme soutenu, déployé en vagues successives en un peu plus d’une heure. Avec une économie d’effets et de mouvements, mais une grande intensité de parole.

Jardin secret

La première de ces évocations concerne un contemporain, Falk Richter, le frère artistique et pair de Claudine Galea, celui qui inscrit son histoire individuelle, intime, dans une histoire collective, dans un héritage commun. Et plus particulièrement My Secret Garden, écrit pour le Festival d’Avignon 2010 où il a été créé avec Stanislas Nordey. Très inspirant, l’enfant terrible du théâtre allemand fouaille inlassablement son passé familial indissociable du passé nazi de son pays.

Retourner à ce qui est caché au fond du jardin de soi, c’est aussi la démarche de Claudine Galea qui replonge dans son passé familial. Et notamment la relation avec son père militaire qui a participé à toute les guerres coloniales, formant avec sa mère communiste et anticolonialiste un couple explosif. Meilleur moment de la pièce : celui où elle se remémore un moment avec son père, au volant de la voiture qui le mène à l’hôpital, terrassé par un cancer du palais. Un moment unique entre deux êtres que tout oppose et qui s’aiment pourtant sans jamais réussir à se le dire. Et par-dessus (ou par-dessous) tout ça, la voix de Franck Sinatra, LA voix aimée qui passe en boucle sur l’autoradio.

Cette voix donne le branle à l’évocation de tous les artistes dont le travail a le mieux traduit le sentiment de vie. Particulièrement ceux du romantisme allemand, comme le poète et dramaturge Jakob Lenz, guetté par la folie qui parcourait inlassablement les montagnes sans trouver l’apaisement. Un poète aux nerfs saccagés auquel Claudine Galea doublée par Valérie Dréville adresse et répète cette injonction « Ecris ! ». Seul moyen pour une écrivaine/actrice de traduire le nécessaire et insaisissable « sentiment de vie ».

Théâtre des Bouffes du Nord, https://www.bouffesdu nord.com
Texte : Claudine Galea. Mise en scène : Émilie Charriot. Lumière Edouard Hugli. Costumes Émilie Loiseau.
Avec Valérie Dréville.
Tournée : du 8 au 10 Février 2024 au Théâtre du Passage, Neuchâtel
Photo : Jean-Louis Fernandez

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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