Room de James Thierrée

L’entropie à l’oeuvre

Room de James Thierrée

Ce serait comme dans un cauchemar, quand les objets se révoltent contre les hommes, quand les hommes perdent la maîtrise des choses, quand tout leur échappe et que le chaos menace, voire s’installe. Alors les plafonds pourraient bien nous tomber sur la tête. Lentement, les murs, glissant sur le sol, entament une drôle de valse inquiétante, incontrôlée, pied de nez à un architecte dépassé qui tente désespérément de tirer des plans cohérents. Dans cet univers tourneboulé, le langage est aussi à la peine, quand les mots ne sont pas aux abonnés absents, ils déferlent comme un torrent fou. Personnage principal de ce chaos insensé, James Thierrée se lamente de son impuissance, de son incapacité à construire un projet artistique sans objet répétant à l’envi : « je n’y arriverai jamais ». Acteurs, acrobates, chanteurs, musiciens, tous pris dans un tourbillon entropique, tous très talentueux, animés d’une folle énergie, enchaînent les performances. En mémoire des extraordinaires créatures de la Symphonie du hanneton (1998), le premier spectacle qui fit connaître James Thierrée, un dodu iguane préhistorique surgit, scintillant dans son beau costume doré.
Représenter le chaos, tel est le projet de James Thierrée, mais ne serait-ce pas aussi une métaphore du travail du clown, discipline qu’il maîtrise parfaitement ? Dans la plupart de ses numéros, le clown est aux prises avec son corps rétif qui refuse d’obéir, avec les choses qui se retournent contre lui, avec un monde qui lui échappe, qui nous échappe quoi qu’on en dise. Il s’agit toujours de faire rire des pauvres humains empêtrés dans leur commune condition de mortels.
Tout cela serait bel et bon si James Thierrée avait davantage soigné ses interventions parlées, plates et répétitives, la sonorisation des micros très médiocre, s’il avait fait l’économie des chansons quelque peu insipides. On ne lui prédira pas une grande carrière de chanteur. On aimerait retrouver le circassien créateur d’images enchantées et de mondes rêvés qui savait jouer la carte du collectif. Room ne manque pas de qualités mais d’inspiration. Reste l’admiration pour tout ce qui relève du cirque, de la performance.

Room de et avec James Thierrée. Avec Anne-Lise Binard, Ching-Ying Chien, Mathias Durand, Samuel Dutertre, Hélène Escriva, Steeve Eton, Maxime Fleau, Nora Horvath
Scénographie, costumes et conception musicale : James Thierrée. A Paris,, au Théâtre du Châtelet jusqu’au 1er juin 2023.
© Richard Haughton/Théâtre du Châtelet

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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