Pauline & Carton de Christine Murillo et Charles Tordjman

Christine Murillo fait revivre avec une énergie communicative la comédienne Pauline Carton, abonnée aux seconds rôles. Épatant.

Pauline & Carton de Christine Murillo et Charles Tordjman

« Quand j’étais jeune, j’avais le visage lisse et des robes plissées, maintenant, c’est le contraire ! ». En déboulant dans la petite salle de la Scala, Christine Murillo dit tout du spectacle qui va suivre. Car cette boutade de Pauline Carton (1884-1974) restitue l’esprit (dans tous les sens du terme) de la comédienne qui a traversé (presque) tout le XXème en se contentant des seconds rôles. Et qui, vieillissante, n’a rien perdu de sa verve, ni de son entregent.

Non pas que Christine Murillo tente d’imiter l’éternelle soubrette, concierge ou mégère de nanars la plupart complétement oubliés. Elle reste elle-même, avec sa chevelure abondante et rebelle qu’elle ne parvient pas à discipliner comme le faisait Pauline Carton, immanquablement surmontée d’un impeccable petit chignon. Qui plus est affublée d’une « voix de canard » comme elle-même le déplorait. Ce qui rendait ses saillies verbales et autres chansons salaces d’autant plus comiques.

L’idée de ce seule-en-scène est venue à Charles Tordjman lorsque la comédienne lisait des extraits de la correspondance de Pauline Carton et des passages de son livre, Les théâtres de Carton, au Festival de Grignan 2022. On n’était pas à Grignan mais à La Scala et il apparait que le passage de la lecture au théâtre s’est fait avec brio. Car l’ancienne sociétaire de la Comédie-Française fait montre d’un engagement et d’un humour tout-à-fait dignes de son modèle. Avec pour tout décor une table de camping sur laquelle est posée une boîte en carton, la comédienne aux quatre Molière fait revivre avec un abattage inépuisable l’actrice qui affirmait : "Je veux bien jouer les concierges et les bonnes de curé, passer le plumeau sur les bibelots du salon, mais en présence d’un cameraman seulement ! ».

Immortelles scies musicales

Avec un art consommé de la scène, Christine Murillo semble fouiller au plus profond de sa propre mémoire et simule à la perfection des trous dans le rappel des souvenirs de l’actrice populaire qui a marqué de sa (modeste) empreinte aussi bien le théâtre que le cinéma, le music-hall, la télévision ou la radio. Avec des anecdotes de métier follement drôles mais aussi de tendres allusions à sa liaison (évidemment non maritale) avec le poète et écrivain genevois Jean Violette. A aucun moment l’actrice favorite de Sacha Guitry, dont elle devient l’assistante-confidente, ne se départit d’un esprit et d’une plume acérés. Habitant toute sa vie à l’hôtel pour être définitivement débarrassée des soucis domestiques, elle apparaît comme un femme libre qui jamais ne se prend au sérieux.

Bien sûr, les meilleurs moments du spectacle sont ceux où Christine Murillo interprète les chansons grivoises, véritables scies musicales rendues immortelles par Pauline Carton. Telles Par le trou de la serrure ou Sous les palétuviers. Sans parler de J’ai un faible pour les forts qu’elle chante et joue avec une énergie à renverser les montagnes !

Pauline & Carton, les samedis et dimanches à 15h30 ou 19h30 jusqu’ au 17 décembre à la Scala, https://lascala-paris.fr
Avec Christine Murillo
Adaptation : Virginie Berling, Christine Murillo, Charles Tordjman. Mise en scène : Charles Tordjman. Lumières Christian Pinaud.
Photo Thomas O’Brien

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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