Marcel B.

Antihéros en robes de femmes

Marcel B.

Jeune auteur et metteur en scène, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre ne cherche pas à construire sa pièce sur un mode classique, c’est-à-dire avec un récit plus ou moins cohérent, s’articulant autour d’un certain nombre d’actes. Il préfère une narration par séquences installées dans un désordre apparent mais dont on suppose qu’il est savamment organisé, ces tranches ayant d’ailleurs des fonctions différentes, du simple flash à la scène plus élaborée, en passant par l’incise dont on se demande parfois ce qu’elle apporte au propos général. Et comme il veut manifestement tout essayer, il utilise aussi les manières les plus diverses de s’adresser au public, avec une volonté manifeste de l’impliquer autant que faire se peut. Ses comédiens interviennent donc depuis la scène, mais également du fond de la salle ou encore en mouvement sur un praticable posé au milieu des gradins. Ici, l’immobilité n’est pas de rigueur ! Car tout cela est mené sur un rythme alerte et chaleureux, tout de même parfois un peu criard. C’est donc ainsi que Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre a conçu Marcel B. Il y est question, de prime abord, de l’histoire d’un personnage pour le moins improbable issu d’un milieu pauvre, éduqué chez les bons pères avant de devenir un héros de la guerre ce qui le conduit, tout naturellement, à une carrière politique qu’il termine à la présidence de la République. Mais derrière ce cursus qui pourrait ressembler à l’archétype de la réussite, l’auteur imagine un Marcel B. nettement plus trouble, comme indifférent à son parcours et dont la seule véritable émotion se manifeste... lorsqu’il enfile des robes de femmes.

La fougue tourbillonnante et joyeuse des comédiens

Cela étant, la présence de cet antihéros soigneusement décadent n’intervient qu’en filigrane puisqu’il n’apparaît jamais. Tout ce qu’on sait de lui ne nous est apporté que par oui dire, ce qui dans une certaine mesure ajoute au mystère et à l’ambiguïté. Et finalement, ce n’est pas l’aspect le plus intéressant du récit, qui se présente également comme une succession d’images résumant une traversée du siècle, tel que peut l’entrevoir l’auteur, un jeune homme curieux de son temps, avec beaucoup de bon sentiment et pas mal de caricatures, en particulier sur l’exercice du pouvoir. Pour faire bonne mesure, le fil directeur pour le moins déroutant qui nous est proposé, c’est l’avènement d’un art global baptisé "vidéo poésie". La présentation de ce concept, s’appuyant sur une démonstration mathématique pour le moins aléatoire, fait même l’objet d’une ébouriffante et cocasse conférence qui remplace opportunément l’entracte.
On l’aura deviné, il y a beaucoup d’idées dans ce spectacle. Elles ne sont pas toutes forcément originales ou pertinentes, mais elles sont portées avec une fougue tourbillonnante et joyeuse par une poignée de comédiens qui assument, sans coup férir, plusieurs dizaines de personnages qui ne sont bien souvent que des figures fugitives et pourtant souvent astucieusement croquées. Ce qui inspire moins d’indulgence c’est le travers trop fréquent consistant à trop vouloir en dire, au risque de se répéter, ce qui se traduit par un spectacle de près de deux heures trente qui aurait probablement gagné en densité en étant réduit d’une petite heure.

Marcel B. , texte et mise en scène Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre (publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs), scénographie : Fanny Landsberg, costumes : Pauline Blais et Lisa Pajon, création lumières : François Fauvel, son : Nicolas Delbart, avec (en alternance) : Romain Berger, Renaud Compagnon, Stéphanie Correia, Vincent Debost, Yaël Elhadad, Sébastien Eveno, Emilie Incerti Formentini, Alexandre Lacaux, Lisa Pajon, Sophie-Aude Picon, Clara Pirali, Thomas Scimeca, Fleur Sulmont. Amicale participation de Audrey Bonnet et Mathieu Genet (de la Comédie Française). Théâtre de la Cité Internationale, jusqu’au 9 juin. Tél : 01 43 13 50 50 www.theatredelacite.com.

A propos de l'auteur
Stéphane Bugat

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