Batlik, un artiste libre

Rencontre avec Batlik à l’occasion de la sortie de son album La Place de l’autre en duo avec Thomas Pitiot

Batlik, un artiste libre

Batlik revendique son statut d’artiste indépendant. Il y a sept ans, ce chanteur et guitariste sort un premier album. Refusant le système de marchandisation des majors, il décide de créer son propre label qu’il nomme A Brûle Pourpoint. Depuis, Batlik enchaîne les productions d’albums et les concerts. Son style authentique et engagé soutenu par le son épuré de sa guitare a éveillé notre curiosité. Le compositeur nous a donné rendez-vous sur la terrasse ensoleillée d’A Brûle Pourpoint à Aubervilliers, sa ville d’origine. Dictaphone à la main, c’est dans une ambiance printanière qu’il nous a parlé de la sortie de son dernier album La place de l’autre.

Webthea : Il y a quelques jours, tu as sorti La place de l’autre un album exceptionnel en duo avec Thomas Pitiot. Peux-tu nous en dire plus ?

Batlik : J’ai rencontré Thomas Pitiot au festival Aubercail d’Aubervilliers et nous avons vite sympathisé. L’album La place de l’autre correspond à un moment particulier dans nos avancées respectives. Thomas voyage beaucoup en Afrique, il revenait tout juste d’une excursion de 6 mois et souhaitait reprendre la musique avec un projet léger. De mon côté, je compte faire une pause à partir du mois de juillet afin de reprendre mon souffle avant la sortie d’un prochain album. Il nous a semblé que le moment était bien choisi pour faire ce disque. Ce duo avec Thomas a donné une nouvelle impulsion à ma carrière car l’équipe avec laquelle je travaillais sur scène est à présent disloquée et je souhaitais reconstruire quelque chose de nouveau.

Tu as débuté ta carrière musicale en jouant dans les bars. Qu’est-ce qui fait la particularité de ces concerts ?

Effectivement, lorsque j’ai commencé à donner des représentations, je jouais essentiellement dans les cafés. J’ai expérimenté les concerts en salle seulement deux ans plus tard. Jouer dans les bars permet d’être proche de son public. Mais, lorsque l’on est un illustre inconnu, les conditions d’écoute sont parfois mauvaises : les gens sont saouls et se fichent royalement de notre présence sur scène. C’est un mal pour un bien car cela apprend à chanter sans être ni attendu, ni écouté, ni apprécié d’ailleurs.

Gardes-tu un souvenir inoubliable d’un de tes concerts ?

Mon premier concert dans une salle me laisse un souvenir marquant. A la différence des bars, les gens se taisaient lorsque j’arrivais sur scène et cette situation m’intimidait. Plus tard, j’ai donné mon premier grand concert à l’EMB en première partie d’un groupe. C’était impressionnant de se retrouver face à autant de gens, je me suis senti tout petit. Depuis, je m’y suis fait.

As-tu besoin de te plonger dans une atmosphère particulière pour composer ?

Ma composition dépend du temps et de l’envie. Je l’entrevois comme un véritable travail et pas seulement comme une inspiration qui viendrait d’ailleurs. C’est une machine qui se met en route à force de persévérance, il faut se forcer un peu pour déclencher le processus. Je connais des artistes capables d’écrire des textes en cinq minutes. Personnellement, ça ne m’est jamais arrivé.

Tes textes sont engagés, ta chanson Porte de Clichy dénonce le racisme et tu n’as pas peur d’être tranchant. Penses-tu que la musique française manque de franchise aujourd’hui ?

Mon engagement ne se trouve pas dans les thèmes que j’aborde mais plutôt dans la franchise que je veux mettre dans un texte. Une chanson d’amour peut être aussi engagée qu’une chanson qui parle de politique. Tout cela dépend de la manière dont on place le texte par rapport à soi. Si je façonne ce texte de façon à ce qu’il plaise au public, il ne sera pas engagé même s’il dénonce un fait de société. C’est en ce sens que je trouve la musique française moins franche car elle devient identique à la musique faite aux Etats-Unis ou en Hongrie. Avec la marchandisation globale, les artistes manquent de plus en plus de sincérité. Quels que soient les sujets qu’ils abordent, je trouve que leur engagement est faussé. Ma chanson La Porte de Clichy traite effectivement du racisme mais c’est avant tout un état de fait. J’aurai abordé le sujet de la même façon si ma copine m’avait quitté ou si je m’étais fait renverser par une voiture.

L’Art des choix est à la fois le titre de ton dernier album solo et celui d’une des chansons. Pourquoi avoir choisi cette expression ?

Le titre de cette chanson est très galvaudé, c’est un jeu de mots qui existe depuis des générations. J’ai découvert qu’un bon nombre de pizzerias se nomment ainsi en Ardèche. L’album L’art des choix a été enregistré dans cette région à une période de doute sur ma carrière. Le titre du même nom symbolise la rupture entre le travail artistique et la vie que l’on mène au quotidien. C’est un isolement qui procure des sentiments difficiles et qui amène à faire des choix entre soi même, l’art que l’on pratique et les gens qui nous entourent.

Que reproches-tu exactement au système des majors ?

Je reproche à ce système une somme de choses qui occuperait toute la mémoire de votre dictaphone. Je suis contre la marchandisation de la musique et son formatage. Les artistes sont toujours développés à l’identique, c’est-à-dire avec un calcul des risques sur une période réduite. Faire un tube est ce qu’il peut arriver de pire à un artiste car il a tout intérêt à en sortir un deuxième rapidement. Pour rompre une carrière, il n’y a rien de mieux.

Est-on obligatoirement formaté si l’on travaille avec une major ?

Il faudrait avoir un exemple concret d’artiste qui ne le soit pas mais je n’en ai aucun. De nos jours, l’industrie de la musique a les moyens de tout recycler, y compris les mots « indépendant », « rebelle » et « authentique ». Ce que les majors appellent un « artiste indépendant » est loin d’en être un pour moi. Après avoir rencontré des artistes signés chez des majors, j’ai vu à quel point il était difficile pour eux de répondre aux exigences de structures qui vont bien au-delà du côté humain du musicien. Je leur reproche également ce mode de développement aberrant. Des chanteurs sortent leur premier disque et donnent l’impression d’avoir dix ans de carrière derrière eux. Cela fait d’eux des artistes affirmés qui semblent savoir ce qu’ils veulent. Mais dans ce métier, le jour où l’on sait ce que l’on veut, c’est qu’il est temps d’arrêter. Pour terminer, j’ajouterai qu’au sein des majors, certaines personnes se prétendent être directeurs artistiques. Ils sont souvent jeunes et sortent d’écoles de marketing où ils apprennent à placer du produit. Il y a encore quelques années, les directeurs artistiques avaient au minimum une culture musicale et une collection de disques.

Le nom de ton label « A brûle pourpoint » a-t-il un rapport avec ton écriture foisonnante ?

Oui, cette expression signifie qu’il faut foncer sans trop réfléchir et je n’ai pas eu de longues réflexions avant de faire de la musique. Je reste dans une optique de travail et je maintiens un rythme rapide. Cela est un avantage d’un point de vue financier car un artiste indépendant doit toujours travailler en flux tendu. Un musicien qui vend 300 000 albums a le temps de se reposer tandis que celui qui en vend seulement 3000 n’a malheureusement pas cette chance.

As-tu pour projet de produire d’autres artistes avec le label « A brûle pourpoint » ?

C’est une idée que je trouvais très sympathique mais plus le temps passe et plus elle me semble compromise. En général, les petits labels indépendants peinent à produire des artistes et financièrement, « A brûle pourpoint » ne peut pas se permettre de faire de la production pure. En revanche, je réalise des coproductions dans le studio d’enregistrement situé tout près du label. Les artistes dont j’apprécie le travail profitent de ce studio. Nous avons ainsi l’occasion de discuter de leur musique car, tout comme moi, ils ont ce désir d’indépendance et de travail autonome.

Quels artistes aimes-tu écouter ?

Ani Di Franco est une artiste américaine indépendante qui m’a beaucoup inspirée de part sa musique et sa démarche artistique. J’ai également repris la chanson Na De Milyon d’années de Ousanousava, un groupe réunionnais que j’ai découvert récemment. J’apprécie aussi la musique de Casey dont la démarche semble sincère. C’est certainement ce qu’il se fait de mieux en ce moment dans le milieu du hip hop.

La musique est-elle le seul art qui t’inspire ?

La poésie fait partie intégrante de mon travail. A part cela, j’admire tous les types d’arts mais je ne m’y attarde pas par manque de temps et de peur d’obtenir un mauvais résultat. En revanche, je fais du jardinage. Cela peut-il être considéré comme une forme d’art ?

Où aimes-tu jouer à Paris ?

Je trouve certaines salles parisiennes, comme Les Bouffes du Nord, très belles. Mais en tant que musicien, Paris n’est pas le lieu que j’affectionne le plus pour jouer car la pression économique y est trop forte. Les gérants des bars accueillent les artistes pour vendre plus de bières et les tenanciers réclament leurs chèques sans se préoccuper véritablement des musiciens. J’apprécie davantage les lieux associatifs qui ont une programmation musicale et un public très ouverts.

Et que dirais tu à quelqu’un pour qu’il ait envie de découvrir ta musique ?

Je lui dirais de venir me voir jouer en concert.

15 et 16 avril : Chants de Gouttière, Chaumont

29, 30 avril et 1er mai : Musicalarue à domicile, Luxey

17 mai : Festival Aubercail, Aubervilliers

27 mai : Espace le Ludoval, Reims

2 juin : Festival Paroles et Musiques, Saint Etienne

3 juin : La puce à l’oreille, Riom

4 juin : Moulin de Brainans, Brainans

8 juin : Médiathèque de Quéven, Quéven

9 juin : Le Sablier, Rennes

11 juin : Foyer Communal de l’Ile de Houat, L’Ile de Houat

1er juillet : Espace Jemmapes, Paris

Le Myspace de Batlik

A Brûle Pourpoint

A propos de l'auteur
Marion Plassmann
A propos de l'auteur
Mathilde Tartrat
Mathilde Tartrat

Étudiante en journalisme à l’EFAP de Paris le jour, musicienne le soir, Mathilde se destine à un métier qui allie ces deux univers. Nouvelle venue dans l’équipe de Webthea, elle s’occupe en collaboration avec Marion Plassmann, de la réalisation de...

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1 Message

  • Batlik, un artiste libre 27 avril 2011 16:58, par arnaud

    Batlik, un artiste génial, supers textes, superbes mélodies
    Decouvert à Florac(48) et re-vu à Marseille récemment ( quasiment un trio avec raoul :) )

    Le nouvel album ’ la place de l’autre ’ est trés sympa.

    Répondre au message

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