Les enfants du Diable de Clémence Baron.
Un hommage bouleversant aux orphelins roumains.
Pour écrire Les enfants du Diable, Clémence Baron s’est appuyée sur des faits historiques et l’histoire de sa sœur adoptive. Elle reprend un pan peu connu de l’Histoire de la Roumanie, celui des orphelinats, véritables mouroirs dans lesquels furent abandonnés des milliers d’enfants sous le régime de Ceausescu, le Diable. A la chute du dictateur, des ONG découvrent les conditions effroyables et barbares dans lesquelles vivent les enfants. Quelques documents vidéos tournés par des membres d’une ONG sont projetés au début du spectacle et témoignent de cette tragédie. Dans une Roumanie où la population manquait de nourriture, Le couple Ceausescu décide d’imposer une politique nataliste et eugéniste aberrante : avortement et contraception interdits, cinq enfants par foyer et une loi autorisant les abandons… Les enfants abandonnés ou orphelins étaient alors répartis dans deux types d’établissements : ceux qui recevaient les enfants adoptables (véritable organisation lucrative pour l’état qui réclamait de l’argent aux familles adoptantes) et ceux dans lesquels étaient envoyés les enfants jugés irrécupérables car handicapés et qui étaient parqués, laissés sans soins, attachés et affamés. Les enfants du Diable évoque à travers l’histoire d’une fratrie, le destin de quelques-uns de ces malheureux.
Nous sommes à Bucarest, en 2009, vingt ans après le chute du tyran. Niki vient juste d’enterrer sa sœur Mirela. Son autre sœur Veronica arrive de l’étranger trop tard pour revoir Mirela. Niki lui reproche de les avoir abandonnés alors qu’ils avaient juré à leur mère de ne jamais se séparer. Veronica à l’âge de 10 ans fut adoptée par un couple de Français. Les retrouvailles sont tendues. Reproches, explications franches, confidences et souvenirs d’enfance douloureux se mêlent dans cette confrontation nécessaire pour mener les personnages sur la voie de la réconciliation.
Grâce à une écriture précise et une habile construction des scènes qui alternent récits douloureux et moments de tendresse plus légers, Clémence Baron réussit à aborder des sujets difficiles : la barbarie dont furent victimes de nombreux orphelins roumains, les traumatismes laissés chez les survivants et les difficultés de l’adoption et du déracinement. Elle partage la scène avec Antoine Cafaro. Tous deux sont excellents et donnent à leur personnage une humanité et une sensibilité bouleversantes.
La mise en scène de Patrick Zard est très réussie. Par certains aspects réalistes, elle restitue l’ambiance d’un appartement à Bucarest où plane l’ombre de Mirela symbolisée par un fauteuil à bascule sur lequel repose un châle. Elle est aussi très maitrisée pour soutenir les tensions et les émotions qui animent les deux personnages.
Avec Les enfants du Diable, Clémence Baron accomplit avec talent un travail mémoriel qui, par-delà l’histoire personnelle, appelle combien la folie des Ceausescu a martyrisé la population roumaine.
Les enfants du Diable, de Clémence Baron.
Mise en scène : Patrick Zard.
Assistante à la mise en scène : Marie Nardon.
Avec : Clémence Baron et Antoine Cafaro.
Crédit photo : Philippe Hanula
Durée : 1 h 15.
Festival OFF Avignon
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 11 h 30. Relâche le lundi.
Théâtre de l’Oriflamme,
3-5, rue du portail Matheron, 84000 Avignon.