Tempête en juin et Suite française d’Irène Némirowsky

Double hommage à une grande romancière

Tempête en juin et Suite française d'Irène Némirowsky

Hommage en deux temps à la grande romancière qu’était Irène Némirovsky, morte en 1942 à Auschwitz, à l’âge de 39 ans : Stéphane Laporte et Irène Némirovsky ont adapté deux textes littéraires, qui sont donnés au La Bruyère, l’un après l’autre, à 19 h et à 21 h. Tempête en juin a été conçu comme un monologue : c’est la débâcle de 1940, bien des Français s’enfuient, dans une folle précipitation. Frank Desmedt interprète cette page d’histoire avec fougue. Les spectateurs qui l’ont vu dans Voyage au bout de la nuit connaissent sa présence brûlante. Mais son jeu est ici compliqué par des gestes illustratifs demandés par la mise en scène. De minuscules moments de pantomime démodés cassent le souffle continu que devrait avoir le spectacle.
Suite française donne à voir un huis clos provincial en 1941. Dans un village de Bourgogne, un officier de la Wermarcht vient s’installer dans une maison bourgeoise. La maîtresse de maison lui montre la plus extrême froideur, d’autant plus que son fils a été fait prisonnier par l’armée d’occupation. Mais sa belle-fille, peu amoureuse de son mari incarcéré, plaît à l’Allemand et se laisse (modérément) séduire. D’ailleurs, elle manœuvre l’occupant pour porter secours à un proche recherché par les nazis. Ce spectacle-là est fait avec beaucoup de sensibilité, Virginie Lemoine imposant un déroulement très classique mais habilement feutré. C’est bien joué : Florence Pernel incarne la jeune femme dans une juste douceur ambiguë, Béatrice Agenin est la mère de famille avec une autorité élégante, Samuel Glaumé donne à l’officier allemand une vérité qui échappe aux simplifications habituelles, Guilaine Londez est fort amusante en aristocrate faussement philanthrope, Emmanuelle Bougerol est la domestique en sachant être à la fois en relief et en retrait.
On reprochera cependant à l’adaptation d’assimiler la vie du personnage à celle de l’auteur, en laissant entendre que le personnage central de Lucie va connaître la fin tragique d’Irène Némirovski. Le roman est resté inachevé. Ce serait plus juste de ne pas le conclure à la place de l’écrivain.

Tempête en juin d’après le roman d’Irène Némirovsky, adaptation et mise en scène de Stéphane Laporte et Virginie Lemoine, illustrations de Sylvain Bossut, musique de Stéphane Corbin, avec Franck Desmedt.
(19h, durée : 1 h 10).
Suite française d’après le roman d’Irène Némirovsky, adaptation théâtrale de Virginie Lemoine et Stéphane Laporte, mise en scène de Virginie Lemoine, assistée de Laury André, lumières de Denis Koransky, décors de Grégoire Lemoine, son de Sébastien Angel, musique de Stéphane Corbin, costumes de Christine Chauvey, coiffures de Christophe Nicolas-Biot, avec Florence Pernel, Béatrice Agenin, G︎uilaine Londez, Samuel Glaumé, Emmanuelle Bougerol, Cédric Revollon ou ︎Gaétan Borg. (21 h, durée : 1 h 40).

Théâtre La Bruyère, tél. : 01 48 74 76 99.

Photo Suite française (DR) : Béatrice Agenin, Florence Pernel.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter...

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