Par les villages de Peter Handke

Retour au pays natal

Par les villages de Peter Handke

Répondant à la demande de son frère cadet Hans, ouvrier du bâtiment resté dans le village de leur enfance en compagnie de leur sœur Sophie, employée dans un grand magasin, Gregor, universitaire, vient retrouver sa fratrie après une longue absence. Pour régler la question de l’héritage de la maison de leurs parents morts, occupée par Hans et sa famille. Dans un prologue, Gregor livre à sa compagne Nova, ses liens familiaux complexes progressivement distendus, ses états d’âmes et le constat amer
d’un environnement naturel détruit par le développement commercial. Le premier tableau s’inscrit dans un important chantier, dont l’Intendante introduit l’arrivée de Hans, flanqué de trois compagnons de travail, Anton, Ignaz et Albin, en assumant si nécessaire le rôle de porte paroles. Il s’engage dans un long monologue flamboyant révélateur de sa condition, précédant un dialogue avec Gregor, que celui –ci poursuit avec sa sœur. Dans le second tableau, l’action se déroule sur une place vide adossée au mur d’un cimetière avec un banc de pierre. Elle met en présence, une vielle femme qui évoque ses souvenirs et son désenchantement lié à la dégradation de son village, qui trouve échos auprès de Hans, Gregor, Sophie et de Nova concluant par un conseil : « Laissez s’épanouir les couleurs. Suivez ce poème dramatique. Allez éternellement à la rencontre. Passez par les villages. »

Ce poème dramatique de l’écrivain et dramaturge autrichien Peter Handke - partiellement autobiographique et inspiré par la tragédie grecque - traduit de l’allemand par Georges-Arthur Goldschmidt, fut représenté pour la première fois en France dans une mise en scène de Claude Régy en 1983 au Théâtre national de Chaillot. Il constitue le denier volet d’une tétralogie composée de trois romans : Lent retour (1979), La Leçon de la Sainte Victoire (1981) et Histoire d’enfant (1982).
Aujourd’hui, Stanislas Nordey, artiste associé avec Dieudonné Niangouma pour la 67ème édition du Festival d’Avignon, reprend cette traduction pour sa mise en scène dans la Cour d’honneur du Palais des Papes. Magnifique interprète de Hans, il reste attaché à l’expression d’un « théâtre à entendre » dont la manière trouve avec finesse une forme d’argumentaire à la polémique créée dans l’opposition du texte à l’image dans le théâtre contemporain. Comme il l’avait démontré lors de ses récentes créations My secret garden de Falk Richter ou Tristesse animal noir d’Anja Hilling, il donne toute la sève de cette écriture chorale révélatrice des rapports familiaux, sociaux et politiques, dans un monde en mutations, avec une exigence poétique et verbale qui laisse l’écoute en éveil même lors de longs monologues qui composent l’essentiel de cette pièce. Dans la scénographie sans recherche du spectaculaire d’Emmanuel Clolus, composée de six cabanes de chantier monoblocs bleutées, puis d’une façade extérieure convexe aux arbres stylisés d’un cimetière sans tombes apparentes, l’interprétation fait preuve d’une présence en parfaite harmonie avec l’esprit du texte et de la mise en scène. Laurent Sauvage (Gregor), Jeanne Balibar (Nova), Emmanuelle Béart (Sophie), Richard Sammut, Moanda Dady Kamono, (les trois ouvriers amis de Hans) Véronique Nordey (une vieille femme) et une épatante Annie Mercier véhémente Intendante, traduisent l’intensité des mots en faisant naître l’émotion née de sentiments qui traversent tour à tour les différents personnages.

@ Christophe Raynaud de Lage

Par les villages, de Peter Handke, traduction Georges-Arthur Goldschmidt ( Le Manteau d’Arlequin / Gallimard ) mise en scène Stanislas Nordey, avec Jeanne Balibar, Emmanuelle Béart, Raoul Fernandez, Moanda Daddy Kamono, Olivier Mellano, Annie Mercier, Stanislas Nordey,Véronique Nordey, Richard Sammut, Laurent Sauvage. Scénographie Emmanuel Clolus, lumière Stéphanie Daniel, musique Olivier Mellano, son Michel Zûrcher., masques Anne Leray. Durée : 4 heures 20 avec entracte.

Théâtre national de la Colline jusqu’au 30 novembre En tournée, 23013-2014 : MC de Bourges, Comédie de Reims, Espace Malraux Chambéry, La Filature Mulhouse, Comédie de Clermont - Ferrand, MC2 Grenoble, Théâtre de Saint Quentin-en- Yvelines, CDN Orléans – Loiret, Comédie de Saint-Etienne.

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

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2 Messages

  • Par les villages de Peter Handke 3 novembre 2013 12:38, par Carry

    Certainement un temps fort de cette saison théâtrale, Nordey accompagne avec intelligence et subtilité l’écriture de Handke un grand auteur de notre temps.

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  • Par les villages de Peter Handke 3 novembre 2013 12:44, par Seigner

    Très bonne critique. A revoir ou à découvrir à la Colline à partir du 5 novembre

    Répondre au message

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