Paris - Théâtre du Châtelet - jusqu’au 28 janvier 2010

Norma de Vincenzo Bellini

Pauvre Norma mise en boîtes

Norma de Vincenzo Bellini

Cela faisait dix ans que l’on n’avait plus vu sur une scène parisienne le fleuron belcantiste de Bellini, cette Norma qui fut l’un des rôles phare de Maria Callas. La déception ressentie au Châtelet est à la hauteur de l’attente. Une nouvelle production signée Peter Mussbach, metteur en scène allemand dont a pu apprécier à plusieurs reprises l’art du dépoussiérage – au Festival d’Automne, à Bastille, au Châtelet avec notamment une très belle Arabella – s’embourbe dans une mise en boîte au double sens du terme dont on cherche en vain le sens ou l’à propos.

Pauvre Norma enfermée dans la boîte d’un décor de murs gris façon bunker, une sorte de no man’s land fantomatique où roule un immense ballon couleur cendre (la lune ? la terre ?) et un cheval blanc de foire sur planche à roulettes où s’agrippent les personnages dans des poses de voltige équestre. Mise en boîte au niveau de la direction d’acteurs qui en fait des pantins ridicules. En hardes grisâtres, les vaillants Gaulois qui veulent en découdre avec l’occupant romain sont transformés en zombies hystériques qui gesticulent, se contorsionnent et se grattent. Pollione, le proconsul amant de Norma roule des mécaniques en bellâtre au torse nu peinturluré d’or, Flavio son ami arbore un maquillage de clown blanc et nez rouge, Adalgisa, la novice amoureuse se trémousse vêtue d’une petite robe à fleurs de style Laura Ashley et Norma joue les grandes prêtresses en fourreau lamé de music hall. Nec plus ultra d’une « modernité » datée : tout le monde se roule par terre, un style de mise en scène où les reptations au sol étaient dans les années 60 l’incontournable signature de l’avant garde.

Entre grandiloquence et dérision

« Le plus important est de jouer la pièce » annonce Peter Mussbach dans le programme en insistant sur la dualité des histoires, l’une d’amour, l’autre de guerre. Belle déclaration qui ne trouve guère d’écho dans la réalisation où, en lieu et place d’une universalité, tout se dissout dans un magma poussiéreux entre grandiloquence et dérision. Est ce pour dénoncer ? Est ce pour se moquer ? Aller savoir…

Rien ne prête à rire dans le chef d’œuvre de Bellini créé en 1831 à la Scala de Milan sur un livret que Felice Romani tira d’une tragédie française de Alexandre Soumet où Norma, fille du chef des druides doit choisir entre la guerre et l’amour, la trahison à la patrie, la trahison à l’être aimé, la trahison à l’amitié. Et Bellini enveloppe ces cas de conscience d’un manteau lyrique luxuriant. Maître absolu du beau chant à l’italienne, mélodiste poignant, sa musique ample et colorée, exige à la fois des grandes pointures vocales et des statures hors norme…

Bellini est à la foire

Hélas absentes de cette production. Si l’Adalgisa de la soprano suédoise Paulina Pfeiffer a du charme et un chant puissant et coloré – une découverte ! -, le Pollione de Nikolai Shukoff qui a l’air de se demander ce qu’il fait là, manque singulièrement relief tandis que la jolie Norma de l’américo-géorgienne Lina Tetriani cherche en vain l’autorité, la précision et le charisme exigés par la figure emblématique qu’elle interprète. Nicolas Testé souffrant ne put chanter Oroveso, le soir de la première, il en assuma courageusement le jeu scénique tandis que la basse polonaise Wojtek Smilek lui prêta sa voix superbe depuis un pupitre à l’avant-scène jardin.

On aurait aimé se consoler avec l’orchestre qui, sur le papier, promettait de beaux moments. Jean Christophe Spinosi a cherché et retrouvé les partitions originales, a rétabli des airs qui sont généralement coupés, a reconstitué à l’italienne l’Ensemble Matheus dont il est le fondateur et le chef, avec des instruments d’époque, fanfare, trompettes naturelles, flûtes en bois et un nombre de contrebasses équivalent à celui des violoncelles. Si les tempi qui accompagnent les chanteurs sont discrets et même veloutés, entre les scènes ils se déchaînent en tintamarre. Bellini est à la foire…

Norma ne méritait pas ça.

Norma de Vincenzo Bellini, livret de Felice Romani d’après la tragédie Louis-Alexandre Soumet. Ensemble Matheus et chœur du Châtelet. Direction Jean-Christophe Spinosi, mise en scène et décors Peter Mussbach, dramaturgie Axel Bott, costumes Andrea Schmidt-Futterer, lumières Alexander Koppelmann. Avec Lina Tetrani, Paulina Pfeiffer, Nikolai Schukoff, Nicolas Testé, Blandine Staskiewicz, Luciano Botelho.

Théâtre du Châtelet, les 18, 20, 22, 26, 28 janvier à 20h, le 24 à 16h

+33 (1) 40 28 28 40 – www.chatelet-theatre.com


Crédit : Public Domain - Photo : Marie-Noelle Robert

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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