Théâtre Dejazet Paris 11°

Les Chevaliers du Fiel dans « L’assassin est dans la salle »

Un duel verbal de fort bon goût

Les Chevaliers du Fiel dans « L'assassin est dans la salle »

On est bien heureux de voir caracoler joyeusement ces « Chevaliers des temps modernes » qui n’ont rien du fiel, mais plutôt du miel, - dans le beau cadre de ce théâtre Dejazet emprunt de tout le raffinement du 19°siècle. Théâtre mythique que ce théâtre Dejazet seul rescapé de la démolition massacrante du « Boulevard du crime » en 1862 par le préfet Haussmann. Son nom est dû à la célèbre comédienne et mime Virginie Dejazet qui se l’acquérait pour y créer avec succès comédies, opérettes et vaudevilles.
La tradition se perpétue, en quelque sorte, par le passage de quelques grands comiques actuels. En voici deux « Les chevaliers du fiel » qui font irruption dans la salle sans crier gare.

Le premier compère (Eric Carrière ) vous phagocyte la salle d’un prompt regard dès l’entrée et vous la maintient en joue du bout de son pesant revolver de scène. Provocation à laquelle vous allez répondre en lui renvoyant une salve de rires, des rires mitraillette !

Trop tard, la menace de vous faire rire durant 1 heure va se mettre à exécution. Vous allez être d’une part, victime de la bonne humeur de ces deux complices mais également le suspect ou le témoin à charge du crime qui vient de se commettre juste avant la séance. Alors, par un jeu de réciprocité assez exaltant, les deux antagonistes, dans un code proche du travail du clown, vont enclencher bon train. Il va falloir suivre ces deux inspecteurs de police baudruche à travers la fantaisie de cette enquête totalement loufoque où l’objet du crime n’est qu’un innocent tournevis cruciforme.

Après quelques participations relativement sereines du public (la sollicitation est sympathique et ne provoque pas de malaise particulier) il faudra que vous preniez parti et que votre préférence suive au mieux votre personnage préféré : l’un, l’inspecteur Sibiersky ( Eric Carrière ), tout imprégné d’expériences pataudes et primaires va prendre en charge son stagiaire« emploi jeune » ( Francis Ginibre) à la déduction et la gâchette laborieuse et imprécise.

Là, commence une sorte de duel verbal avec un texte alerte et de fort bon goût (Permettez la remarque pour garantir les suspicieux du comique). Ca dérape de temps en temps sur des allusions ou illusions politiques judicieusement insinuatrices, qui donnent une note contemporaine et ancre le dérapage de l’argument dans une vérité suscitant un relent d‘intérêt sur un public déjà frétillant dans son fauteuil. A propos de fou rire il est bien sympathique de voir nos deux comparses s’égarer, probablement, à travers les aléas d’une improvisation dont ils peuvent à peine contrôler la distance de freinage. Il y a alors, dans le charme du direct, de petits carambolages pleins de malignité qui exposent le public à assister à un jeu sans filet. Mais ces sacrés acrobates des mots et de l’humeur semblent nous faire passer cet écart comme une figure préparée. On reste dans un heureux doute.

Il faut aussi relever au passage la dextérité corporelle de ces acteurs imitateurs et mimes qui se dépensent sans compter pour nous offrir un spectacle riche d’énergie et de professionnalisme. Voir avec quelle dextérité est exécutée la caricature de la chanteuse Michèle Torr et l’imitation, au combien observée, de la langouste ralentie à la recherche de son fidèle compagnon le bol de mayonnaise. Sans compter dans les moments à textes, de la chantante empreinte de l’accent de la région toulousaine qui nous fait entendre que le théâtre et la vie sont en « rose ».
Nous voilà donc réconciliés avec la gente comique et sa galerie de personnages. Alors d’avance bonne soirée, bien que « l’assassin soit dans la salle ».

« Les Chevaliers du Fiel » pièce « L’assassin est dans la salle » de Eric Carrière avec Francis Ginibre et Eric Carrière. Théâtre Dejazet 41 Brd du Temple Paris 11° du mercredi au samedi 20h 30.Loc : 01 48 87 52 55.

A propos de l'auteur
Jacky Viallon
Jacky Viallon

Jacky Viallon aurait voulu être romancier à la mode, professeur de lettres ( influencé par les petites nouilles en forme de lettres qu’on lui donnait tout petit dans sa soupe et qu’il taquinait avec sa grande cuillère en argent symbole d’une grande...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook