La cerisaie d’Anton Tchekhov
Depuis la création de La Cerisaie en 1954, au théâtre Marigny par la troupe du Théâtre de France, des centaines de propositions ont dû demander asile sur nos divers plateaux de théâtre en attisant ainsi notre curiosité.
Il est vrai que la subtilité et la délicatesse poétique de l’œuvre suscitent plusieurs investigations. Malheureusement, souvent l’interprète se laisse phagocyter par l’enveloppe romanesque qui cache le vrai propos.
« La pièce est très difficile. Son charme réside dans un parfum secret, ineffable. Pour le saisir il faudrait, en quelque sorte écarter les pétales de cette fleur. Mais cela devrait se faire sans contrainte, tout naturellement, sinon la fleur fragile se fanerait. Mais nous n’avons pas encore établi avec précision les voies mystérieuses qui mènent au fond des œuvres. »*
Ainsi le metteur en scène Christian Benedetti et son équipe « Le théâtre- Studio » nous présentent, à notre grand plaisir une option quelque peu marginale qui nous épargne « clichés et convenus » souvent plombée par le fameux silence « tchekhovien » que l’on a jamais réellement convoqué. Christian Benedetti a l’intelligence du plateau, il sait nous faire partager son acuité sur l’échiquier de la scène. Il nous aide à saisir ces personnages qui paraissent s’éclipser en brume et c’est grâce à la géométrie rigoureuse de la scène que le spectateur peut à nouveau suivre ses personnages.
Tout ce « faire » en question se fabrique devant nous par l’habileté des comédiens quant à jouer la polyvalence des personnages. Tout semble glisser naturellement, sans artifice.
La scénographie s’installe également dans la même tentative : Sorte d’épure crayonnée sur un plateau dont les contours semblent s’évader à l’infini dans des lignes de fuite qui entrainent notre imaginaire vers d’autres fractures.
Mais, impuissants que nous sommes nous restons là quelque peu hébétés, voire tétanisés comme les personnages de la Cerisaie. Mais la magie du théâtre fait que nous revenons sur le plateau de la vie enrichis par ce « voyage intérieur ». Investigation, distanciation, identification sont alors des concepts bien maitrisés et habilement manipulés par C.Benedetti passeur et grand maitre de cérémonie au service de ce grand rituel qu’est notre théâtre !
Merci à lui et à toute son équipe.
* « Le théâtre russe sur la scène française » de Léon Dominique. Editions Olivier ; Col. Art Théâtre .
La Cerisaie de Anton Tchekhov par le Théâtre-Studio, mise en scène Christian Benedetti au Théâtre du Soleil à la Cartoucherie de Vincennes.
Jusqu’au 14 Février 2016. Dernière dimanche à 16 h. Durée 1 H 30.
Photos Roxane Kasperski.