Paris, Théâtre de l’Aquarium jusqu’au 30 novembre
« La putain de l’Ohio » de Hanokh Levin
Mise en abîme d’un rêve éveillé
- Publié par
- 30 novembre 2012
- Billets d’humeur
- Jacky Viallon
- Théâtre
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Cette pièce d’Hanokh LEVIN aurait pu s’intituler « Mise en abîme d’un rêve éveillé ».
En fait, il s’agit d’une allégorie qui nous met face à la prise de conscience de l’écart inavouable entre le rêve et le réel.
Cette fameuse « mise en abîme » matérialise sa dialectique en nous offrant une sorte de face à face dans lequel sont convoqués les comédiens et les spectateurs pour mettre en dynamique et en démonstration directe cette sorte d’incantation. Cette dernière circonscrite dans l’espace sacré du plateau évolue aussi de manière concomitante dans l’univers imaginaire et onirique du spectateur. Dans ce face à face proche de l’attitude analytique l’auteur s’exprime via les comédiens, lesquels, avec un talent plus que supérieur nous renvoient avec justesse et subtilité les différentes paraboles qui s’imbriquent dans le développement de cette déchirante allégorie.
Le sujet lui-même est simple : un homme fête ses soixante-dix ans et s’offre à cet effet les services d’une dame de plaisir. Après une négociation quant à la valeur de ce petit négoce l’homme, à l’approche de l’assouvissement du désir, s’aperçoit qu’il n’est plus en état d’honorer le rêve obsessionnel du moment. S’étant alors acquitté financièrement des services de la dame, il trouve raisonnable d’offrir à son fils le tour de manège non consommé.
Ainsi, sur le plan de la sexualité, avec le personnage/ père, nous nous rapprochons de la pensée Freudienne qui autorise l’assouvissement immédiat de ce désir accidentellement compulsif. Alors que le personnage/fils de par sa dépendance au père (Dépendance financière et sexuelle) se rattacherait plus d’un type de sexualité à caractère héréditaire et ancestral. ( Voir Jung)
Disons qu’à partir de cette boucle narrative viennent se nouer l’inquiétude et les angoisses métaphysiques et voir philosophiques de l’auteur. On est bien loin d’un sujet banal dont le développement aurait pu tourner à la vulgarité tant le sujet est épineux.
Non seulement la mise en scène est extrêmement prudente et intelligente, mais cette discrétion est portée, disons projetée, par une sensibilité peu commune de la part de ces trois valeureux comédiens qui connaissent bien les subtilités et les dangers du jeu dramatique.
A travers toutes ces réflexions sur l’argent, la mort, le pouvoir, enfin sur tout ce qui nous tord ou nous attendrit , on réussit tout de même à rire de notre misérable existence mais aussi et surtout on se retrouve dans cette représentation scénique avec notre lutte quotidienne contre nos grandes résistances intérieures c’est-à-dire cet éternel et naturel penchant de l’homme à se faire déchirer par le rêve et la réalité ce en quoi d’ailleurs ces frères ennemis ne peuvent se passer de leur propre alternative …À bon rêveur salut…
« La putain de l’Ohio » de Hanokh Levin par Laurent Gutmann, metteur en scène et scénographe, traduction et texte français de Laurence S
Théâtre de l’Aquarium jusqu’au 30 novembre du mardi au samedi à 20 h30 et dimanche à 16 h. Contact : 01 43 74 99 61
Photo : Pierre Grosbois