Opéra National de Paris - Bastille - jusqu’au 23 février 2010

La Somnambule de Vincenzo Bellini

Natalie Dessay embrase les neiges et les coeurs

La Somnambule de Vincenzo Bellini

En prenant la direction de l’Opéra National de Paris, Nicolas Joël a promis des grandes voix. Il tient parole : après l’Argentin Marcelo Alvarez dans Andrea Chénier et l’Allemand Jonas Kaufmann dans Werther (voir webthea des 12 décembre 2009 et 16 janvier 2010), voici la Française Natalie Dessay qui, après Covent Garden à Londres et le Met de New York, est devenue une star internationale incontournable. Dans le rôle de la Somnambule de Bellini (1801-1935) qui est l’un de ceux qui la propulsa au premier rang des sopranos coloratures, malgré un refroidissement annoncé, elle domina une distribution de bonne classe moyenne et subjugua un public venu pour elle, rien que pour elle. Le nouveau patron de la maison a également annoncé un retour à la tradition après les chamboulements esthétiques de son prédécesseur Gérard Mortier. Promesse tenue au-delà des espérances les plus conservatrices.

La nouvelle production importée de Vienne du mélodrame que le maître du bel canto italien composa en 1831 – la même année que sa Norma mais en moins réussi - ne déroge pas au nouvel esprit maison. Même si le metteur en scène Marco Arturo Marelli, de retour à l’Opéra de Paris après 25 ans d’absence – il y réalisa un Don Carlo de Verdi en 1986- transpose la bucolique auberge villageoise où sont fêtées les noces d’Amina et d’Elvino, en une sorte de palace-sanatorium de Gstaad ou Saint Moritz. L’identité suisse est respectée jusqu’aux costumes des villageois, et, derrière les immenses baies vitrées du décor, les montagnes enneigées font rêver des aventures de Heidi dans les alpages.

Ce décor unique sert à tout : salle de banquet, chambre du comte, vallée à l’ombre du château. En deuxième partie après la nuit de confusion somnambulique de l’héroïne, une avalanche semble avoir dégringolé des pentes, jusqu’à pénétrer dans la salle et y créer un charivari de tables et des chaises. Le final change de registre et se décline en coup de chapeau au music hall avec la reconstitution du rideau du Palais Garnier (le spectacle se donne à Bastille) devant lequel, Amina-Dessay-superstar, libérée de ses cauchemars, roucoule son ultime aria en robe du soir et longs gants écarlates.

Honnête distribution, subtile direction d’orchestre

Le sommeil rêvé, le rêve éveillé, l’inconscient du somnambulisme était un sujet à la mode dans cette première moitié eu 19ème siècle en France comme en Italie. Le livret que Felice Romani confectionna sur ce thème pour Bellini est hélas particulièrement tarte et ses dialogues d’une niaiserie consternante. Le compositeur par bonheur en compense la balourdise par le frémissement de ses mélodies, l’ampleur de sa respiration rythmique et la splendeur de ses arias.

Honnête distribution et subtile direction d’orchestre par Evelino Pido qui connaît de A à Z cette partition qu’il dirigea souvent. Notamment à la tête de l’orchestre de l’opéra de Lyon avec la même Natalie Dessay dont on peut goûter l’énergie dans l’enregistrement édité par Virgin Classics. Sans doute ne retrouve-t-on pas la même magie dans l’exécution depuis la fosse de l’orchestre de l’Opéra de Paris. L’élan, la sensualité, le grain de folie se sont dissous dans la sûreté du métier.

Malgré une direction d’acteurs approximative – la plupart des personnages chantent à la papa, face au public la main sur le cœur et quelques bredouillages de régie –un bougeoir qui perd ses bougies -, l’interprétation- est de bonne tenue. Cornelia Oncioiu, maternelle Teresa, Nahuel di Pierro, discret Alessio, Marie-Adeline Henry, ex-pensionnaire de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris qui de sa voix acidulée fait de Lisa une chipie de dessin animé. Le ténor Javier Camareno a les qualités du bel canto mais son jeu est raide et stéréotypé, Michele Pertusi, en revanche offre au comte sa noblesse et le timbre doré de sa voix de basse.

"La" Dessay, diva irrésistible

Enfin « la » Dessay, déclarée enrhumée mais en presque parfaite possession de ses exceptionnels moyens : projection sans faille, legato d’un naturel ébouriffant comme si la respiration du chant, les montées vertigineuses dans l’aigu, ne lui demandaient aucun effort. Elle n’a guère besoin de se placer face au public pour se faire entendre et émouvoir. Assise, couchée, à l’endroit, à l’envers, marchant à l’aveugle en somnambule rodée, elle ne rate aucun accord et offre en prime des dons de comédienne. Son Amina godiche qui se transforme peu à peu en femme révoltée pour finir en diva est irrésistible.

La Somnambule de Vincenzo Bellini, livret de Felice Romani d’après le ballet pantomime de Scribe et Auber. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Evelino Pido, mise en scène, décors et lumières Marco Arturo Marelli, costumes Dagmar Niefind.. Avec Natalie Dessay, Cornelia Oncioiu, Michele Pertusi, Javier Camarena, Marie-Adeline Henry, Nahuel Di Piero.

Opéra Bastille, les 25, 28, janvier, 3, 6, 9, 12, 15, 18, 23 février à 19h30, les 31 janvier et 21 février à 14h30.

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 - www.operadeparis.fr

Crédits Photos : Opéra national de Paris/ Julien Benhamou

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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