Paris, théâtre du Ranelagh
Jeux de scène de Victor Haïm
Règlements de comptes en coulisses
Pour sa drôlerie vacharde, la pièce de Victor Haïm, Jeux de scène, avait obtenu le Molière du meilleur auteur en 2002. A l’époque, au théâtre de l’Œuvre, les deux rôles étaient tenus par Danièle Lebrun et Francine Bergé, tandis que Marcel Bluwal orchestrait la mise en scène. Aujourd’hui, c’est Haïm lui-même qui dirige la mise en forme théâtrale et fait le pari sur des comédiennes moins célèbres, Katherine Mary et Valérie Zarrouk. L’enjeu est doublement théâtral : c’est une satire des gens de théâtre ! Une femme auteur-metteur en scène et une actrice vont, sous nos yeux, répéter un spectacle prochainement à l’affiche. Elles s’adorent et s’embrassent. Mais cette entente de pure surface ne résiste au travail en commun.
La comédienne n’aime pas le texte et les mœurs de l’auteur (qui est lesbienne). L’auteur ne goûte pas vraiment le talent de son interprète. Elles se donnent des coups de griffe, puis passent à la vitesse supérieure. Elles s’insultent, se défient, jusqu’au bord de la rupture. Mais, pour l’auteur, c’est l’occasion d’un retour dans l’actualité qu’elle attend depuis longtemps. Pour l’actrice, c’est du travail, dans un métier où les propositions ne sont pas si nombreuses. Elles pourraient peut-être se réconcilier, tout en continuant à se détester…
Pas de décor. Le spectacle se joue devant le mur nu de la cage de scène de ce somptueux théâtre qu’est le Ranelagh. La mise en scène de Haïm repose sur cette belle impression de lieu évidé et sur la puissance de l’affrontement qu’il ne tarde pas à lancer à vive allure. Valérie Zarroouk, déjà admirée en George Sand dans un spectacle de Stéphanie Tesson, se révèle une combattante de premier plan. Peut-être pourrait-elle être parfois freinée dans ses éclats. Mais quel beau tempérament ! En face Katherine Mary joue un personnage plus noueux, boxant avec l’intellect plus qu’avec l’instinct animal. Un duo parfaitement équilibré dans l’antagonisme..
Parfois, le texte de Haïm table sur les mots pour les mots, se grise de la savoureuse violence de ses invectives, sans trop dessiner le cheminement intime de ses personnages. C’est irrésistible, les bons mots, les formules qui font mouche ! On est dans un guignol vrai, sans passer par la douleur personnelle de chaque personnage. Donc dans une très saine comédie rosse.
Jeux de scène de Victor Haïm, mise en scène de l’auteur, lumières de Florent Barnaud, avec Katherine Mary et Valérie Zarrouk. Théâtre le Ranelagh.
Tel : 01 42 88 64 44 (1h40).
