En une nuit – notes pour un spectacle d’après Pasolini

Aborder le théâtre par son utopie

En une nuit – notes pour un spectacle d'après Pasolini

L’assassinat de Pasolini fut un moment tragique pour nombre de citoyens intéressés par le monde culturel et ce en quoi il contribue à nourrir notre patrimoine immatériel. Ce fut à quarante année de distance un choc similaire lors de l’assassinat d’un autre acteur majeur da la création et de la réflexion sur son époque que fut Lorca. Ces deux artistes ont produit une œuvre littéraire considérable, conçu des spectacles pour le théâtre chez l’un, essentiellement pour le cinéma chez l’autre, le contenu de leurs œuvres interrogeait et secouait les sociétés de leur temps, leur homosexualité dérangeait, leur pensée progressiste antifasciste irritait.

Un quatuor de jeunes comédiens a vécu son adolescence après la conjoncture où le monde de leurs parents, issus de milieux agricoles traditionnels, avait abandonné le lien avec la terre pour s’engager dans l’illusion capitaliste du bonheur par la réussite matérielle. Mutation que Pasolini dénonçait prophétiquement de toutes les manières. Découvrant l’œuvre de l’artiste italien, les quatre acteurs débutants se sont emparés de ses réflexions, d’idées nourricières, de ses films, de pistes amorcées à travers de nombreuses notes griffonnées durant les dernières années de son existence.

Au bout du chemin, un spectacle qui s’échine à inventer un théâtre capable d’exister sans s’affilier aux règles du théâtre. Une expérience de l’expérimental. Le décor rappelle une plage désertique. Un corps allongé dans le sable rappelle celui de Pasolini la nuit du 2 novembre 1975, suggère une enquête jamais vraiment aboutie. Là bascula une vie à jamais, comme bascula, au moment des ‘Trente Glorieuses’, une civilisation de valeurs morales vers celle des valeurs financières.

En scène, en rêve, en partage

Il n’y aura pas un spectacle peaufiné, rationnel, démonstratif. Il y aura des bribes un peu de bric et de brac. Cela s’ouvre sur une longuette, déclaration d’amour en italien surtitré. Ensuite une démonstration de différents points de vue sur l’assassinat selon les interprétations de la troupe : fait divers, tragédie, moment historique... en guise de matériau originel du spectacle à monter. Puis, pêle-mêle : des dialogues et des interviews, des monologues, des séquences très corporelles, des déguisements ou des comportements sortis de l’écran pour débouler sur scène, des interventions en salle avec un public pris à parti ou mis en connivence, des danses, une pincée d’érotisme et d’ironie, des défoulements ludiques façon gamins en cours de récréation, des réminiscences de castings, des défilés, de la comédie à l’italienne, la mise en abyme du questionnement sur la réalité jouée sur le plateau et les doutes ressentis...

Gageure réussie. Pari presque entièrement gagné. Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer prennent manifestement plaisir à jouer, à être ensemble. Ils ont résisté. Ils ont osé prendre des sentiers non balisés, se tromper parfois d’itinéraire, aller jusqu’au bout de cette phrase du « Décaméron » de Pasolini : « Pourquoi réaliser une œuvre quand il est si beau de simplement l’imaginer ? »

Durée : 1h40
Festival Off Avignon 2024
Scala Provence du 02>21.07.2024 13h40

Création collective
Ecriture, mise en scène, interprétation : Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette, Eva Zingaro-Meyer d’après l’œuvre de Pier Paolo Pasolini
Collaboration, assistanat à la mise en scène : Orell Pernot-Borràs , Antoine Herbulot
Scénographie, création costumes : Elsa Séguier-Faucher
Création lumières : Caspar Langhoff , Lila Ramos Fernandez.
Régie générale, son : Antoine Vanagt
Régie lumière : Lila Ramos Fernandez
Regard artistique :Nicolas Mouzet-Tagawa
Regard dramaturgique :Nathanaël Harcq
Aide à la création sonore : Laurent Gueuning, Eric Degauquier, John Cooper
Coaching vocal : Brigitte Romano
Développement, production, diffusion : Habemus Papam
Photo © Annah Schaeffer
Production : Habemus papam
Coproduction Théâtre Varia, Atelier Jean Vilar, Maison de la Culture (Tournai), Théâtre de Liège et dede Namur, L’Ancre, Mars – Mons Arts de la Scène, Réseau Puissance 4, Théâtre Sorano (Toulouse), CDN (Tours), La Loge (Paris), TU (Nantes)
Soutien : Fédération Wallonie-Bruxelles, Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique, Inver Tax Shelter, FRART, Arsenic 2 (Herstal), Festival de Liège, Le Corridor (Chênée)

Compléter : : https://www.webtheatre.fr/Pasolini-Musica-d-Andre-Roche
https://www.webtheatre.fr/Affabulazione-de-Pier-Paolo
https://www.webtheatre.fr/Affabulazione-de-Pier-Paolo
https://www.webtheatre.fr/Uccellacci-e-uccellini-d-apres-le-3041
www.webtheatre.fr/Desir-terre-et-sang-d-apres-Lorca

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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