Duras, la vie qui va
Marguerite en liberté
Interprète privilégiée de Marguerite Duras qui lui confia Les Eaux et forêts, La Musica, puis Le Shaga et Yes, Peut-être, Claire Deluca poursuit son compagnonnage avec l’auteure de L’Amant. Forte d’une recréation du Shaga, avec la complicité de Jean-Marie Lehec, accueillie avec succès en 2011, ils poursuivent leur exploration de l’univers durassien sous une forme inattendue. En choisissant des textes issus de Les Eaux et forêts, Le Shaga, La Vie Matérielle, Outside, Le Monde extérieur, Ecrire, Les Yeux verts, ils reflètent des aspects méconnus de Duras. Son humour caustique, sa tendresse, ses relations au quotidien et sa réflexion sur la vie. Ainsi, on croise les rapports d’une femme avec son vieux chien, le rejet des automobiles, les exaspérations du voisinage, le ras le bol d’une vie conjugale, un homme en panne d’essence depuis deux ans, une rencontre au casino puis avec un livreur, ou encore une relation avec un lion et un oiseau … Autant de ponctuations parcellaires nées de l’observation de la réalité ou de l’imaginaire aux frontières de l’absurde contenus dans ses œuvres, ici mis en exergue C’est léger et drôle, tout en laissant filtrer des propos plus profonds qui ont marqué ses thématiques majeures.
Issus de ces écrits, les deux personnages sont nécessairement multiples. Ils se croisent sans raisons apparentes, sans soucis d’une logique narrative et des conventions, pour laisser flotter la parole avec un souffle de liberté. Sur une scène dépouillée adossée à une forêt stylisée, ils sont en parfaite correspondance avec cette définition de Marguerite Duras : “Ce sont des gens qui parlent et que la parole entraîne. Qu’est-ce qu’ils ont en commun ? Une certaine folie. ”. Dans cet exercice Claire Deluca excelle. Avec finesse elle porte la parole durassienne en exprimant ses nuances et sa musicalité avec une gourmandise joyeuse et cohérente. A ses côtés, Jean-Marie Lehec, dans un autre registre, apporte un contrepoint judicieux porteur d’autres tonalités et colorations. Ensemble, ils contribuent à offrir avec légèreté et fluidité une promenade réjouissante au cœur d’une écriture aux multiples aspects.
Duras, La vie qui va. Textes de Marguerite Duras, adaptation et interprétation Claire Deluca et Jean-Marie Lehec. Scénographie, créations lumières et son Carlos Perez. Durée 1 heure. Théâtre de Poche – Paris jusqu’au 10 novembre 2013
Crédit photo L. Lot