Paris, Odéon – Théâtre de l’Europe jusqu’au 26 septembre 2010

I Demoni de Fédor Dostoïevski

Peter Stein fidèle à Dostoïevski

 I Demoni de Fédor Dostoïevski

Une représentation d’une durée de douze heures, tel est le nouveau défi de l’ancien directeur de la Schaubühne de Berlin, Peter Stein. Déjà auteur par le passé de spectacles fleuves, dont le Faust de Goethe (2000) présenté pour la première fois dans son intégralité durant vingt-deux heures ou encore la trilogie Wallenstein de Schiller (2007) repartie sur dix heures. L’espace temps lui est à nouveau nécessaire pour porter à la scène le grand roman de Dostoïevski, Les Démons, publié en 1871. Une création issue d’un atelier mené avec des acteurs italiens dans la région de l’Ombrie où il réside depuis quelques années. A la version livrée par Albert Camus en 1959 (Les Possédés), volontairement concise, il a préféré effectuer lui-même une nouvelle adaptation plus littérale de cette œuvre foisonnante. Sa fidélité respectueuse se développe – comme le roman - en trois chapitres, chacun divisé en plusieurs parties coupées de poses plus ou moins longues, qui ponctuent cette immersion dans la saga dostoïevskienne.

Autour du personnage de Nikolaï Vsévolodovitch Stavorogine (Ivan Alovisio), jeune homme de bonne famille, séducteur énigmatique et romantique, se dressent les figures emblématiques de classes sociale et de générations portées à des degrés divers par une attirance douloureuse vers les abimes du désespoir, de la folie et de la mort. Parmi elles, se croisent Varvara Pétrovna Stavorogine (Maddalena Crippa), riche veuve d’un général et mère de Nikolaï, Stépan Verkhovenski, (Elia Schilton) “libéral - idéaliste ” et poète devenu précepteur, son fils Piotr (Alessandro Averone) activiste radical, Kirilov (Rosario Lisma) ingénieur aspirant à devenir un homme - dieu par son suicide, Chatov étudiant intègre jusqu‘au sacrifice, ou encore Marie Lebiadkine (Franca Penone) épouse cachée hallucinée de Nikolaï et son bouffon de frère Ignat (Franco Ravera), Liza Drozdova ( Irene Vecchio) jeune fille à marier à la fin tragique, les époux von Lembke ( Paola Benocci et Giovanni Crippa) gouverneurs de la Province et des membres d’une société secrète qui ambitionne de fonder un monde nouveau.

La fine version théâtrale de Peter Stein permet d’entrer de plain-pied dans le roman, dont elle permet avec clarté de saisir les multiples aspects. Des tourments des êtres issus de la dégradation morale d’une société tiraillée par ses alternatives de liberté, entre la soumission à l’ordre divin ou le choix de l’athéisme ou du nihilisme, à la vision prophétique de Dostoïevski annonciatrice des évolutions du socialisme russe vers un régime stalinien. En suscitant maintes interrogations politiques et métaphysiques en résonance avec le monde d’aujourd’hui. A l’intérieur d’un espace vide, qui se construit à partir d’introductions successives d’éléments porteurs de localisations et de climats, la représentation dépouillée d’affèteries exprime dans sa remarquable fluidité une intensité palpable à plusieurs niveaux. Dans un bel élan collectif, les vingt-six comédiens au jeu parfaitement maîtrisé, révèlent, sous la direction du maître allemand (présent sur la scène), les troubles des âmes projetées par ce théâtre au-delà d’elles –mêmes, avec une vitalité émouvante ou une ironie distanciée. Un beau voyage théâtral qui restera dans les mémoires.

I Demoni, de Fedor Dostoïevski, adaptation et mise en scène Petre Stein, avec Ivan Alovisio, Alessendro Averone, Carla Bellamio, Paola Benocci, Armando de Ceccon, Giovanni Crippa, Maddalena Crippa, Maria Grazia Mandruzzato, Luca Iervolino, Pia Lanciotti, Rosario Lisma, Paolo Mazzarelli, Andrea Nicolini, Franca Penone, Fulvio Pepe, Franco Ravera, Antonia Renzella, Riccardo Ripani, Matteo Romoli, Fausto Russo Alesi, Elia Schilton, Federica Stefanelli, Peter Stein, Giovanni Torem, Irene Vecchio, Giovanni Visentin, Giovanni Visentin, Giovanni Vitaletti, et en alternance Maud Pouznec et Garance Durand Caminos. Décor Fredinand Woegerbauer,lumière Joachim Barth, costumes Anna Maria Heinreich, musique Arturo Annecchino. En langue italienne surtitrée. Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berhier, dans le cadre du Festival d’automne, en intégrales 11 h 30 ou en deux parties de 5 h 15 et 5 h 30, avec entractes jusqu’au 26 septembre 2010

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

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