« Voix de vie, Voix de scène » de Gérard Santi
Le corps au service de la parole
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- 4 décembre 2024
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Chaque individu est susceptible d’être sollicité pour prendre la parole en public. Même si ce n’est pas son métier comme celui de comédien ou de professeur, voire de bonimenteur commercial. N’empêche, maîtriser la parole afin d’être écouté n’est pas une qualité innée. Elle tient à quantité de facteurs physiques auxquels on n’accorde souvent qu’une attention superficielle.
Nombre de personnes pratiquent le théâtre en amateurs et ne se rendent pas compte que leurs répliques ne sont pas audibles pour une part de leurs spectateurs, nombre d’enseignants s’interrogent à propos de l’inattention chronique de leurs ouailles, nombre de quidams conviés par collègues ou familles se trouvent coincés lorsqu’il convient d’intervenir lors d’un anniversaire, un enterrement, une promotion ou une mise à la retraite.
Gérard Santi, depuis longtemps, éduque les voix. Son rôle consiste à "transmettre le droit et le devoir de se faire entendre et comprendre". Il s’est décidé à rassembler ce qui constitue son expérience à la fois d’interprète et de pédagogue, de praticien et de théoricien. Son écriture va vagabonder de l’information au mode d’emploi via les anecdotes, les réflexions, les trucs pratiques pour s’entraîner ou conserver ses acquis.
La méthode Santi se base sur un paradoxe : pour chanter juste il faut en premier lieu oser ‘chanter moche’ c’est-à-dire non pas en tentant de faire ce qu’on imagine être ce qu’on croit être l’idéal mais bien de se laisser aller sans préjugé culturel à ce qui nous correspond intimement. Non plus une imitation inconsciemment convenue mais bien une spontanéité liée à notre personnalité.
L’essentiel appartient au corps. Ce qui se rapporte à la voix est constitué de muscles qu’il convient de… muscler. S’ensuit la nécessité de connaissances anatomiques liées à la respiration car finalement, « l’homme est un instrument à vent ». Et surtout de redécouvrir l’utilité de notre diaphragme. Ceci étant, il convient d’être observateur de sa voix. Pour ce, être d’abord attentif au silence, ensuite regarder et enfin parler. Des exercices pratiques sont évidemment proposés qui permettent un nouvel apprentissage de ce que l’on fait plus ou moins naturellement mais aide à corriger les habitudes déplorables acquises petit à petit de manière insidieuse.
Santi propose d’expérimenter trois types de voix : forte, médium, piano. Il rappelle qu’en français, l’accent tonique porte sur la dernière syllabe d’un mot afin d’éviter de ‘chantonner’ un texte comme il arrive fréquemment avec des écoliers ayant appris un texte par cœur. Reste alors de combiner la parole et le corps tout entier dans un espace. Cela passe par l’utilisation du regard, se concrétise par les gestes et les déplacements qui constituent un autre langage que celui des mots. Un travail en solitaire se complète d’un autre avec un interlocuteur, puis plusieurs. Ajoutons un entrainement pour s’échauffer avant une prestation publique, un autre pour entretenir les muscles de sa voix et maîtriser son souffle.
Le manuel conçu par Gérard Santi est indispensable pour une comédienne ou un acteur n’ayant bénéficié d’aucune formation via une académie, un conservatoire ou un cours privé. Il l’est autant pour les personnes qui se destinent à l’enseignement sachant que chaque heure de cours est d’abord un stand up face à un public qui n’a pas choisi d’être là et a donc besoin qu’on le captive, qu’on travaille en interaction immédiate avec toutes les réactions de l’auditoire. Bref, qu’on ait acquis une ‘présence’ perceptible en dehors de toute apparence corporelle même disgracieuse ou ne correspondant aux actuels critères de ‘beauté’ édictés par la société.
Gérard Santi, Voix de vie, Voix de scène, Montpellier, Deuxième époque, coll. Les voies de l’acteur, 2024, 184 p. (25€).