Tango y tango de Marcial Di Fonzo Bo
Retour aux sources
A dire vrai, on s’attendait à ce que, un jour ou l’autre, Marcial Di Fonzo Bo cède à la tentation du bandonéon et des parquets de bal. Le tango ne serait-il pas l’âme même des Argentins, et encore davantage des exilés ? Alfredo Arias y avait succombé en 1992 avec Mortadela, réjouissante revue argentine créée à Buenos Aires et reprise à Paris.
Forcément, tout commence dans une milonga où l’on installe chaises et tables pour la soirée. Jeanne, une jeune fille française (Rebecca Marder joue très bien la candide) s’y est volontairement égarée. Elle y rencontre Juan, un vieux danseur talentueux qui a définitivement remisé ses chaussures il y a vingt ans pour un amour malheureux. Plutôt que de mener une enquête généalogique à la recherche des origines familiales argentines, Jeanne espère trouver dans le tango la clé de l’identité porteña. Qu’est-ce que le tango ? quel est ce mystère impossible à définir qui lui est attaché et qui fait son charme irrésistible ? Chanté ou dansé, accompagné par les sonorités sensuelles du bandonéon, cela parle toujours d’amour, généralement déçu, d’oubli, de mémoire, de tristesse. Ses origines multiples sont autant espagnoles qu’africaines, grecques, cubaines ou juives. Sans parler des polémiques territoriales ; la France revendiquant Carlos Gardel, l’Uruguay la paternité du tango.
Retour à l’enfance pour Marcial Di Fonzo Bo. Le metteur en scène offre au spectateur une rêverie nostalgique sur fond d’images documentaires. Le dispositif superpose les scènes filmées de la vie à Buenos Aires et les scènes du spectacle, donnant ainsi l’impression que celles-ci sont incrustées dans le film, une belle manière de jeter un pont par-dessus l’Atlantique, de renouer avec les origines. Scènes de la vie quotidienne et politique avec les images d’archives poignantes des mères de la Place de mai (le gouvernement les appelait "les folles de la place de mai") qui ont manifesté chaque jeudi pendant 40 ans depuis 1977 pour réclamer la lumière sur la disparition de leurs enfants.
Le livret de Santiago Amigorena tient joliment de la petite histoire de pacotille, exactement en synergie avec les chansons de tango. Le spectacle distille une douce langueur mélancolique et amoureuse à travers les chansons interprétées par Cristina Villalonga, les numéros de danse de belle qualité, en particulier un duo époustouflant entre le Juan d’hier (Mauro Caiazza) et celui d’aujourd’hui (Julio Zurita). Philippe Cohen Solal (Gotan project) apporte une touche contemporaine électro à l’ambiance musicale avec Victor Villena au bandonéon et Aurélie Gallois au violon. Un spectacle délicieusement mélancolique qui ne touchera pas que les aficionados.
Tango y tango . Livret, Santiago Amigorena. Mise en scène Marcial di Fonzo Bo. Chorégraphie, Matias tripodi. Musique, Philippe Cohen Solal. Sc énographie, Alban Ho Van. Images (film), Nicolas Mesdom. Lumières, Dominique Bruguière. Avec Rébecca Marder, Cristina Villalonga, Rodolfo de Souza, Julio Zurita, Mauro Caiazza. Les danseurs, Maria-Sara Richter, Sabrina, Amuchástegui, Fernando Andrés Rodríguez, Estefanía belén Gómez, Eber Burger, Sabrina Noguera. Musique, Aurélie Gallois au violon, Victor Villena au bandonéon. A Paris, au théâtre du Rond-point jusqu’au 27 mai 2023 à 20h30. Durée : 1h20.
www.theatredurondpoint.fr
© Stéphane Trapier