Madame Zola d’Annick Le Goff
La veuve du grand homme
Pas simple d’être la femme d’un grand homme ! Ce n’est pas à la portée de toute épouse d’accepter le rôle de l’ombre. Alexandrine Zola, petite blanchisseuse, modèle pour des peintres en manque de nudité, se faisait silencieuse quand son mari écrivait les volumineux épisodes des Rougon-Macquart. En plus, l’illustre romancier n’était pas fidèle. Il entretenait à quelques mètres de chez lui une femme plus jeune et les deux enfants nés de cette union. Mais Alexandrine avait bon cœur. Après la mort d’Emile (asphyxié par l’oxyde de carbone d’un chauffage peut-être mal réglé : accident ou crime ?), elle aida cette autre famille de tout son amour.
Quand la pièce d’Annick Le Goff commence, Alexandrine est veuve. Les restes d’Emile sont même déjà au Panthéon. Elle prend un certain plaisir à son veuvage. Enfin libre ! Mais elle n’en oublie pas Emile. Elle se confie à elle-même puis à un pharmacien qui vient lui déposer des remèdes pour soigner ses petites douleurs. Jusqu’où ira cette relation, d’abord distante et même rude ? Le texte d’Annick Le Goff est un juste portrait de deux solitudes, particulièrement bien documenté sur ces années 1900, aussi élégant dans l’acidité que dans la tendresse. La rencontre manque un peu d’enjeu pugilistique. Les moments d’échange sont calmes. Chacun est dans l’attente.
La mise en scène d’Anouche Setbon privilégie le détail. Les mots portent, mais tout autant le silence et ce qu’expriment les dentelles blanches, les tentures grises, la méridienne vieux rose, le vieux téléphone noir et doré. Catherine Arditi est Alexandrine dans une volupté gourmande et néanmoins discrète du rôle : elle a arrondi l’apparence du personnage mais aiguisé ses sentiments. Belle composition. Dans un rôle d’une égale importance mais moins mythique, Pierre Forest donne de la force à son personnage avec un sens de la discrétion nourri d’arrière-plans et d’arrière-pensées. Auteure, acteurs et metteur en scène ont ici l’art du médaillon.
Madame Zola d’Annick Le Goff, mise en scène d’Anouche Setbon, décor d’Oia Puppo, costumes de Juliette Chanaud, lumières de Laurent Béal, musique de Michel Winogradoff, assitanat de Sophie Gudri.
Petit Montparnasse, 21 h, tél. : 01 43 22 77 74.
Photo J. Stey.