Paris – Opéra-Comique – jusqu’au 15 décembre 2013

MANFRED de Robert Schumann

A l’impossible nul n’est tenu…

MANFRED de Robert Schumann

Quand une œuvre s’autoproclame « irreprésentable », l’envie de la présenter et représenter – malgré elle – peut-être un enjeu attrayant. Surtout quand elle est née de l’imagination de deux des plus grands représentants de la littérature et de la musique de l’ère romantique, Lord Byron pour les mots, Robert Schumann pour les notes. Encore faut-il les apprivoiser l’un et l’autre. Manfred « poème dramatique » en trois parties et quinze monologues fait partie de ces enjeux à risque.

L’Opéra Comique a fait le pari de nous faire découvrir l’oiseau rare mais son vol n’a pas atteint sa cible. Une heure et vingt minutes de textes déclamés dans une semi-obscurité ont distillé un parfum soporifique malgré les sphères orchestrales souvent luxuriantes qui les jalonnaient.

Pas d’action. Des états d’âmes, des errances hallucinées dans le monde des esprits, des cœurs qui saignent, des sentiments qui s’évaporent. Rien de théâtral, d’ailleurs Lord Byron (1788–1824) détestait le théâtre. A l’aube du XIXème siècle, sa vie mouvementée, son œuvre douloureuse et éclatante, hantait les imaginaires des écrivains, des musiciens, des peintres. Le romantisme, c’était lui et il fallait s’en imprégner pour créer. Schumann (1810-1856) fut l’un de ses principaux zélateurs, dans une œuvre qui chante les grands sentiments et leurs douleurs, et dans sa vie hantée d’hallucinations. Manfred, œuvre tardive de Byron allait les unir.

Manfred le maudit, double de Byron devient le double de Schumann. Il hante les vagabondages damnés du poète à la recherche de l’oubli, oubli de l’être aimé – sa sœur, son amante – morte sous ses coups, oubli de son ombre rôdant à jamais parmi les Esprits. Schumann avait rêvé d’opéra mais Genoveva son unique incursion dans le monde lyrique fut un échec. Il tenta alors une sorte de semi-opéra, ce Manfred hybride qui échappe à toute définition. C’est Liszt qui le créa à Weimar en 1852.

Le metteur en scène italien Carmelo Bene (1937-2002) en avait tiré une structure dramatique pour la Scala de Milan en 1978. Pour l’Opéra Comique de Paris Georges Lavaudant en a conservé la trame (notamment en déplaçant l’ouverture après le premier monologue). Un comédien – Pascal Rénéric – dit les vers de Byron traduits en français. Equipé d’un micro HF, sa voix sonorisée se perd dans des chuchotements pas toujours audibles. Les textes chantés par le chœur ont gardé leur version originale allemande. Drôle de hiatus ! Des images noires, blanches striées de nuages et d’éclairs à la façon du Voyageur de David Caspar Friedrich habillent le fond de scène, des rideaux de soie anthracite descendent ça et là en tremblotant, quelques images vidéos s’incrustent comme ce visage de femme qui ressemble à Greta Garbo. L’acteur a du mérite mais manque de charisme. On imagine ce que produiraient la présence frémissante et les voix naturelles d’un Gérard Desarthe ou d’un Serge Merlin dans la folie de leurs jeunes années.

Dans la fosse heureusement, Emmanuel Krivine et sa Chambre philharmonique relèvent le défi avec un engagement qui fait s’épanouir les sonorités de Schumann -les frémissements de l’ouverture, la ferveur du chœur final- en vagues déferlantes, colorées d’amour et de rage.

Manfred, poème dramatique de Lord Byron, musique de Robert Schumann, orchestre La Chambre Philharmonique direction Emmanuel Krivine, chœur Les Eléments, chef de chœur Joël Suhubiette, mise en scène et lumières Georges Lavaudant, décors et costumes Jean-Pierre Vergier. Avec Pascal Rénéric, Astrid Bas, Max Delor et les chanteurs du chœur Les éléments.

Paris – Opéra Comique les 9, 11, 12, 14 décembre à 20h, le 15 à 15h.

0825 01 01 23 – www.opera-comique.com

Photos Julienne Etienne

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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