La Lune en plein jour de Marina Tomé

A jamais exilée

La Lune en plein jour de Marina Tomé

La France a accueilli beaucoup de réfugiés argentins quand la dictature militaire à Buenos-Aires massacrait les artistes et les opposants. La France n’a pas été moralemet parfaite puisque Marina Tomé, dans son nouveau spectacle La Lune en plein jour, précise que la police de Giscard d’Estaing transmettait à l’Argentine les noms de ceux qui venaient à Paris échapper à leurs persécuteurs. Douloureuse histoire, qui a cependant permis aux Français de découvrir des acteurs et des metteurs en scène apportant de nouveaux codes de jeu et d’amitié. Il y eut Alfredo Arias, Jorge Lavelli, Copi, Marilù Marini, Susana Lastreto… A son tour, Marina Tomé, qui est d’une génération postérieure, se raconte. On la connaissait magistrale dans le comique mais, en réalité, elle est toujours dans l’entre-deux (d’où ses nombreux rôles au cinéma). Quand il s’agit de sa propre histoire, elle est plus encore dans un double sentiment : dans la douleur de l’exil et le bonheur d’une existence réussie hors d’Argentine, dans le regret des parents et des amis restés au loin et la richesse d’une culture double où l’on se perd et où l’on se trouve à tour de rôle. Au milieu des cartons et des valises, à côté d’un miroir tombé à terre, le personnage se souvient, pressé par le images lointaines du départ et par un incident en France où elle faillit perdre la vie, sous la roue inamicale d’un camion.
Marina aime à se moquer gentiment de nous. En Argentine, on se passionne de façon plus évidente, avec plus de gestes et plus de mots. En Argentine, certains mots ont d’autres sens et surtout d’autres doubles sens. Et l’on n’a pas tout à fait le même humour. Donc en route pour cette traversée où l’on est traversé par d’autres usages et par la solitude. Tout, dans le pays de Descartes, est combats, découragements et victoires. Un jour, Marina pourra prendre l’avion et le bateau dans l’autre sens, pour revoir ceux qu’elle a quittés et pour s’en séparer à nouveau. Elle n’a pas ici conté la vie d’une actrice, elle ne parle presque pas de théâtre et de cinéma (est-ce que ce sera pour une prochaine fois ?). C’est la trajectoire d’une femme qu’elle dessine : elle-même, frappée par les coups du destin, sauvée et portée par sa vitalité gourmande, à jamais exilée pourtant. Anouche Setbon appuie sa mise en scène sur cette vitalité et sur les différents visages d’un même être. Marina Tomé est tantôt fermée tantôt rayonnante, par moments sombre par moments solaire. Le tango est dans ses veines et la mise en scène en emprunte habilement le rythme et les figures pour donner au solo sa nostalgie et ses coups d’accélérateur.
Quelle comedia intime et universelle, mi corazon !

La Lune en plein jour de et avec Marina Tomé, mise en scène d’Anouche Setbon, décor et costumes d’Oria Puppo, musique de Michel Winogradoff, lumières de Jean-Luc Chanonat.

Théâtre de la Huchette, 20 h le lundi, tél. : 01 43 26 38 99, jusqu’au 6 avril. (Durée : 1 h 20).

Photo Ludo Leleu.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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