Du 5 au 31 mars 2024 à La Colline - Théâtre NationaL.

Cavalières, conception et mise en scène d’Isabelle Lafon.

Vivre au plus près du présent le roman de sa vie.

Cavalières, conception et mise en scène d'Isabelle Lafon.

Sur une chanson de Maria Tanase, chanteuse roumaine emblématique des années 1950, s’ouvre et se clôt le spectacle Cavalières d’Isabelle Lafon, qui met en majesté le rapprochement du cheval et de l’humanité - sa proximité existentielle. Le cheval est la monture absolue, le coursier a le privilège d’être tenu par la main droite- un butin et la marque d’une élévation. Rodrigue descend de cheval, et Chimène et les autres femmes s’agenouillent. Pour Cervantès, le héros de son roman s’emploie à nommer son cheval, sa noble et sonore Rossinante, avant de se nommer lui-même.

Début XXI ème, le cheval fait toujours rêver et, grâce à des artistes équestres, à fasciner par sa beauté. Le dresseur, « metteur en piste » de chevaux et metteur en scène Bartabas mêle les traditions de la haute école à celle du cirque en y ajoutant la part du rêve. Le goût de retrouver une nature perdue conduit les citadins vers la promenade équestre à la campagne ; une minorité aime toujours ce jeu entre l’homme et la bête que suscite le cheval. ( Dictionnaire culturel de la langue française.)

Isabelle Lafon - Denise dans la fiction - apprend au public que chez les trotteurs, l’entraîneur est le « metteur en point ». Or, la conceptrice met au point de petites choses inédites.
Pour Isabelle Lafon/Denise, le cheval est une longue histoire, elle a beaucoup « monté », puis a arrêté, a fréquenté des milieux divers, les jockeys, les propriétaires, les entraîneurs, les palefreniers…, et l’hippodrome, ses parieurs, spectateurs et amoureux du cheval.

Dans le spectacle Cavalières, Denise est entraîneuse de chevaux de course, de trotteurs, travaillant dans le milieu du champ de courses. Désignée comme tutrice légale de Madeleine, petite fille dite « différente », et vivant elle-même dans un grand appartement, elle a l’intuition d’habiter cet espace avec trois autres femmes qui s’occuperont alternativement, puis ensemble, de Madeleine, des collaboratrices recrutées par les petites annonces devant répondre à trois conditions : - avoir un rapport au cheval, - s’occuper de Madeleine, - ne pas porter de meubles…

Par ailleurs, Sarah Brannens, Karyll Elgrichi, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon - aiment s’écrire des lettres et raconter des histoires, le récit de ce qui leur est arrivé, et ensemble, elles travaillent à ressentir la vie dans les jours qui passent. Réunies auprès de la petite Madeleine et de son handicap, elles en prennent soin tour à tour, attentives à ce plaisir de faire parler le silence.
Saskia/Johanna, danoise et ingénieure dans le ciment, est cavalière, passionnée par Nuno Oliveira - écuyer portugais et entraîneur de chevaux, considéré comme le plus grand maître de l’art équestre au XX è siècle. Nuno Oliveira aborde l’équitation comme un art véritable, auquel il accorde une dimension spirituelle. Il décrit lui-même son équitation comme « la sublimation de sa technique par l’amour » : Le secret, en équitation, c’est d’agir peu et à propos. Plus on en fait, moins ça va. Moins on en fait, mieux ça va… Il est bon parfois de monter les yeux fermés.

Jeanne/ Sarah est curieuse de « beaucoup de choses à la fois », oeuvrant dans un bar, lisant, ayant « monté ». La secrète Nora/Karyll, éducatrice d’enfants délinquants, a peur des chevaux.
Comment faire famille autrement et collectivement : une question exactement contemporaine.
« C’est dans la reprise du temps par l’imaginaire que le souffle est rendu à la vie », tel est le roman d’une vie, et non son histoire : Isabelle Lafon cite Marguerite Duras (Oeuvres Complètes, tome 1).

Un chemin de lumière depuis la porte du mur de lointain d’où surgit la mémoire, le rêve, l’invention, qui laisse entrer sur le plateau dans une belle tombée lumineuse les quatre silhouettes en contre-jour. L’ordonnatrice, même si elle réfute sûrement cette dénomination, avance et explique le projet, sincère, authentique et toujours juste, maladroite parfois, le sachant et l’avouant. Ses partenaires comédiennes prennent le relai, se présentent et font le récit de leur expérience, réservées, ou s’épanchant dans l’humilité, expliquant cette folie de faire « programme commun ».

Elles parlent « naturellement », cherchant un sens à une existence qu’elles savent ressaisir, entre réflexion, regret d’avoir fait ceci ou cela ou en échange, de ne pas l’avoir fait - et profonde émotion.
Intimité et échange existentiel avec l’autre, qu’on soit cheval ou non, qu’on fraye avec lui ou pas.

Cavalières, conception et mise en scène d’Isabelle Lafon, écriture et jeu Sarah Brannens,
Karyll Elgrichi, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon, lumières Laurent Schneegans,
costumes Isabelle Flosi. Du 5 au 31 mars 2024, du 5 au 31 mars 2024, du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30 relâche dimanche 10 mars à La Colline - Théâtre National, 15 rue Malte-Brun, Paris 75020. Tél : 01 44 62 52 52 et billetterie.colline.fr

Crédit photo : Laurent Schneegans.







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Véronique Hotte

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