Avant la terreur de Vincent Macaigne à la MC 93 et avec le Festival D’Automne à Paris.

Le chaos scénique de qui répond à la violence par la violence.

Avant la terreur de Vincent Macaigne à la MC 93 et avec le Festival D'Automne à Paris.

Dans cette pièce composée vers 1594, écrit Daniel Loayza dans sa préface de La Tragédie de Richard III (traduction Jean-Michel Déprats, Folio Classique, 2021), Shakespeare s’empare du court règne (juin 1483 - août 1485) du dernier roi de la dynastie des Plantagenêt. Richard III clôt une lignée qui subit - ou fit subir à son profit - cette « violence / Frénétique et contre-nature » de la guerre des Deux-Roses entre les York et les Lancastre, jetant « frère contre frère, / Sang contre sang, soi contre soi ».

Richard, duc de Gloucester, est né laid et boiteux. Il se veut roi d’Angleterre, même si plusieurs degrés dans l’ordre de succession le séparent de la couronne - « rien que trois morts », est-il dit avec cynisme dans l’adaptation Avant la terreur par Vincent Macaigne -, et s’il doit assassiner ou réduire à l’impuissance tous les prétendants au trône : « Je suis déterminé à être un scélérat. »

Pour Vincent Macaigne, dans une société malade, gouvernée par des familles dysfonctionnelles, Richard III est un emblème de cet entre-soi dont l’idiotie mène à la terreur institutionnelle entre opportunisme, complotisme et désinformation. A travers l’exemple très actuel d’un itinéraire d’autocrate, cette libre adaptation dresse le portrait d’un système et d’une époque gangrenés tant par la corruption que par la bouffonnerie.

Pour ce qui est de la bouffonnerie - clownerie, drôlerie, facétie, farce, pantalonnade, pitrerie -, Vincent Macaigne est à son affaire, ménageant et bousculant gentiment un public juvénile qui lui est acquis, heureux d’assister à un « événement » concocté par le concepteur très tendance.

La scénographie est immédiatement identifiable - un grand panneau de toile plastique transparente avec graffiti divers - « A l’aide ! » - entoure les murs de scène, et un rideau de même matière se lève et s’abaisse sur un sol d’eau, de terre, de boue, de sang et d’excréments mêlés, tandis qu’un technicien, une pompe à eau à la main, fait pleuvoir et gicler sur le plateau une pluie fine, caractéristique climatique de la perfide Albion. Belle installation contemporaine, s’il en est.

Et pour faire vivre ce décor de fin du monde - paysage anéanti de guerre -, des comédiens d’envergure, vêtus avec un soin étudié - short écossais pour Georges - le comédien averti Sharif Abdoura, buste et jambes nues, haut bonnet aux poils d’ours des coiffures militaires britanniques.

La duchesse d’York, la sombre Mère entêtée et récalcitrante, est incarnée avec hargne par Candice Bouchet. Et Clarence - Thibault Lacroix -, frère du Roi, est terré dans sa cage, quand le Grand Chambellan Hastings - Clara Lama Schmit - est terrifié par les choix du tyran qui se révèle.

La convaincante Sofia Teillet est Elisabeth, soeur cruelle qui ne veut pas s’en laisser conter. Son fils Andrew - Max Baissette de Malglaive - donne une belle leçon de morale at de vie aux seniors - la génération des pères et mères qui n’ont pas su parler à leurs enfants, aveugles devant l’avenir.

Sur le plateau, des soldats de fortune, tels qu’on les voit actuellement sur nos écrans, en pleine guerre diverse et contemporaine, vêtus sommairement et la Kalachnikov à la main, tandis que résonnent des airs du temps dont, entre autres, Sinéad O’Connor qu’on voit à l’écran, comme Marylin Monroe - femmes bafouées et manipulées, les victimes d’une société patriarcale. On n’oublie pas évidemment d’évoquer les forces maléfiques du temps - Internet, l’IA et les robots.

Quant à Anne, veuve du Prince Edouard, puis épouse de Richard III, elle est interprétée par Pauline Lorillard - stature et puissante diction tragique, sûre de sa vérité contre la tyrannie. Le rôle de Richard III revient à Pascal Rénéric - sorte de double de Vincent Macaigne - cabotin et bateleur.

Un théâtre conventionnel malgré ses petites surprises, reposant sur un système de harangues - une succession de discours solennels et pompeux, de remontrances interminables adressées au public : situation privilégiée des dictateurs et fascistes face à des foules passives et consentantes.

Avant la terreur d’après Shakespeare et autres textes, écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique Vincent Macaigne. Avec Sharif Andoura, Max Baissette de Malgrlaive, Candide Bouchet, Thibault Lacroix, Clara Lama Schmit, Pauline Lorillard, Pascal Rénéric, Sofia Teillet et des enfants en alternance Camille Ametis, Clémentine Boucher, Lilwen Boursee. Lumières Kelig Le Bars, accessoires Lucie Basclet, vidéo Noé Marcklé-Detrez, Typhaine Steiner, son Sylvain Jacques, Loïc Le Roux, costumes Camille Aït Allouache. Du 5 au 15 octobre 2023 à la MC93 - Maison de la Culture de Saint-Denis. Du 7 au 9 novembre au Tandem - Scène nationale Douai-Arras. Les 16 et 17 novembre à Bonlieu - Scène nationale d’Annecy. Du 22 au 25 novembre au Théâtre National de Bretagne, Rennes. Les 11 et 12 avril 2024 au Quartz - Scène nationale de Brest. Du 19 au 21 avril au Théâtre Vidy-Lausanne, Suisse. Les 9 et 10 mai 2024 aux Théâtres de la Ville de Luxembourg. Du 16 au 23 mai aux Célestins, Lyon. Les 29 et 30 mai à La Comédie de Clermont-Ferrand, Scène nationale. Juin 2024 au Printemps des Comédiens, Montpellier. Du 15 au 27 juin à La Colline - Théâtre National, Paris.
Crédit photo : Simon Gosselin.

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Véronique Hotte

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