Pornographie de Simon Stephens
Obscénités intérieures
Londres, 7 juillet 2005. Quatre attentats suicides dans les transports en commun londoniens provoquent la mort de cinquante-six personnes et causent de nombreux blessés. C’est autour de ce fait divers tragique que s’inscrit cette pièce du jeune dramaturge anglais Simon Stephens, écrite trois mois après ces événements. Non pour aborder une analyse des ressorts et des conséquences du terrorisme à la manière d’un théâtre documentaire, mais pour établir en parallèle une mise en perspective des réactions provoquées par ce drame, croisant dans la même période un concert Pink Floyd à Hyde Park et l’attribution des Jeux olympiques 2012 à la ville de Londres.
A travers sept personnages majeurs, évoquant à la manière de Shakespeare (Comme il vous plaira) les “ Sept âges de la vie ” se dessine un quotidien dont la médiocrité et les troubles portent reflets de la société environnante. On croise ainsi successivement, une mère de famille confrontée à l’espionnage industriel, un étudiant réac et violent qui désire sa prof, les retrouvailles d’un frère et d’une sœur ouvrant sur l’inceste et celles d’un enseignant solitaire avec une ancienne élève, la trajectoire d’un anglais porteur de liquide inflammable dans les méandres du métro ou encore une vielle femme travaillée par une libido envahissante. Autant de situations dont les transgressions issues des ombres de l’intime résonnent comme une défense et un appel à briser les solitudes d’êtres fragilisés ou en quête identitaire, mais dont l’agressivité et la violence peuvent ouvrir sur des agissements extrêmes sur laquelle la réalité immédiate n’a pas vraiment de prise. Une manière d’ouvrir questionnements et réflexions sur le monde contemporain.
Traduite par Séverine Magois, cette pièce est mise en scène par Laurent Gutmann dans un ordre chronologique. Sept séquences présentées sur un praticable frontal adossé à une large baie vitrée coulissante offrant une vue panoramique sur un appartement occupé par l’ensemble des personnages. Coté jardin, quelques projections en noir et blanc s’apparentent aux captations vidéo des caméras de surveillance dans les espaces publics. Si la représentation semble parfois un peu trop hésiter entre réalisme et distanciation, elle n’en porte pas moins avec acuité les accents troublants issus des fractures de la condition humaine, traduisant ses échos au-delà des mots, grâce à une interprétation homogène et tonique, composée notamment de Serge Maggiani, Arnaud Churin, Pauline Lorillard et Yvonne Leibrock.
Pornographie de Simon Stephens, mise en scène Laurent Gutmann, avec Arnaud Churin, Maryline Cuney, Raina Kakudate, Yvonne Leibrock, Pauline Lorillard, Serge Maggiani, Lucas Partensky, Jean-Benoît Souilh. Scénographie Mathieu Lorry-Dupuy et Laurent Gutmann, lumières Marie-Christine Soma, costumes Axel Aust, son Madame Miniature, vidéo Ludovic Rivalan. Durée 1 h 50. Théâtre national de la Colline jusqu’au 18 décembre 2010. © Elisabeth Carecchio