Paris- Théâtre du Rond-point jusqu’au 30 novembre 2008
Nunzio et La Busta de Spiro Scimone
Scènes à l’italienne
Deux courtes pièces de l’auteur et comédien sicilien Spiro Scimone, emblématiques d’une démarche théâtrale originale, engagée dès 1990 avec la création de la compagnie qu’il a fondée avec son ami et complice Francesco Sframeli. Un moyen de développer puis d’affirmer une identité artistique ancrée dans la tradition italienne et sicilienne, qui, à partir de l’écriture, s’appuie essentiellement sur l’expression de la parole et le jeu des comédiens. Des formes utilisées de manière récurrente pour éclairer des comportements humains conflictuels, pour la plupart fondés sur des rapports de force. Le plus souvent avec une causticité bouffonne décapante, dont le Festival d’ Automne permet aujourd’hui une mise en perspective avec ces deux pièces créées à douze années d’intervalle. Ecrite en dialecte sicilien en 1993, puis présentée l’année suivante au Festival de Taormina, Nunzio, est mise en scène par le metteur en scène Carlo Cecchi, auteur d’une mémorable trilogie shakespearienne en 1993. Dans la cuisine d’un appartement modeste – évoqué par quelques meubles – vivent deux hommes restés en marge d’une réussite sociale et affective. L’un, ouvrier victime d’une maladie pulmonaire contractée au travail, partage son temps entre la prise de médicaments fournis par son patron et les prières formulées devant une image pieuse placée sur le réfrigérateur. L’autre, plus actif, est de passage entre de mystérieuses missions – mafieuses ou politiques – dont la prochaine doit le conduire au Brésil. Dans cet espace clos, à la fois tanière et refuge, ils sont provisoirement à l’abri du monde extérieur dont chacun à sa manière subit l’aliénation. Dans les relations d’amitié qui les unissent comme dans la formulation de leurs propres aspirations de vie, les deux comédiens (Sframeli et Scimone) portent, sous des aspects cocasses, une dimension tragique, exprimant avec vitalité le reflet à peine déformé d’une réalité sociale affligeante. Avec La Busta (L’Enveloppe) datée de 2006, changement de tonalité et de forme pour stigmatiser la notion de pouvoir et les excès de violence qui en découle. Pour obtenir des explications sur la teneur d’un pli qu’il a reçu, un homme cherche à avoir un entretien avec le président de son pays. Il se heurte à son secrétaire, flanqué d’un étrange frère réduit à l’esclavage et d’un cuisinier singulier. Tous vont entraîner cet acteur – témoin, qui cherche seulement à comprendre, dans une spirale de brimades, d’humiliations et de violences, où discrimination et délit de “sale gueule“ sont monnaie courante, avant un coup de théâtre final qui fait tomber les masques. Sous la farce disjonctée et burlesque qui fait rire ou sourire, se tisse un réquisitoire contre un pouvoir aux accents kafkaïens où la démocratie est enseignée de force …à coups de matraque. Toute ressemblance avec l’actualité de notre monde est loin d’être fortuite. Les deux pièces, témoignent dans le temps de l’investissement des comédiens et de la continuité du travail théâtral de Spiro Scimone et Francesco Sframeli, restés fidèles à leurs options artistiques originelles. Toutefois, en douze ans, leur regard porté sur un monde déshumanisé est passé de l’intime à l’universel, sans que pour autant la représentation perde ses colorations et sa force corrosive.
Nunzio de Spiro Scimione, mise en scène Carlo Cecchi avec Francesco Sframeli et Spiro Scimone, durée 50 minutes.
La Busta de Spiro Scimone, mise en scène Francesco Sframeli, avec Francesco Sframeli, Spiro Scimone, Annibale Pavone, Salvatore Arena, décor et costumes Barbara Bessi, durée 55 minutes. Surtitrages en français. Théâtre du Rond-Point jusqu’au 30 novembre.
Projection du film, Due Amici, de Franco Sframeli et Spiro Scimone, réalisé d’après Nunzio (prix de la meilleure première œuvre attribué à la Mostra de Venise 2002), les 15, 22 et 29 novembre.
Photo : La Busta
crédits : Brigitte Enguérand
