Love and money de Dennis Kelly
Les méfaits de l’argent roi
Né dans un quartier du Nord de Londres en 1970, Dennis Kelly commence à écrire pour le théâtre à la fin des années 1990, après des études universitaires. Il se signale dès sa première pièce, Débris (2003) en proposant une rupture avec le réalisme théâtral britannique, habituellement appliqué dans les représentations sociétales. A ce jour suivent une dizaine de pièces, accompagnées d’adaptations et de scénarii pour la radio, la télévision et le cinéma. Love and Money date de 2006.
A travers la trajectoire d’un couple composé de David et Jess, d’abord unis dans un amour fusionnel avant de subir des pressions socio-économiques déstabilisantes, Dennis Kelly témoigne avec acuité des dysfonctionnements de la société contemporaine néolibérale et de la puissance contraignante de l’argent. Et des tentations qu’il suscite. En observateur avisé, sans revendiquer des solutions miracles, mais en éveillant une réflexion et une prise de conscience. Avec des interrogations, sur la nécessité de croire en des valeurs morales pour combler un vide existentiel. L’amour en fait partie. Cela pourrait ressembler à l’étalage d’un florilège de bons sentiments. Ce n’est pas le cas. Dans une langue vive et colorée d’humour et d’ironie, l’auteur, à la manière d’un entomologiste, révèle les rouages des mécanismes qui conduisent à l’application d’un système qui régit le monde en crise d’aujourd’hui. Pour mieux le comprendre et prendre ses distances avec lui.
C’est ce que donne à ressentir cette création de Blandine Savetier, dont le répertoire, depuis 2002, se compose essentiellement d’auteurs contemporains. En remontant le temps à travers les sept saynètes qui composent la pièce, à partir d’un meurtre expiatoire, sa mise en scène rythmée et incisive éclaire avec clarté les différentes strates individuelles et collectives animant les personnages. Dans une relation où le réalisme et le romanesque croisent le virtuel pour une forme de distanciation. Cadrés par l’assemblage ou l’éclatement de deux modules vitrés, porteurs d’une dimension métaphorique, (Sarah Lee, Olga Karpinsky, Blandine Savetier) et avec les lumières et vidéos colorées de Daniel Lévy, les comédiens accompagnent avec une vitalité convaincante les cheminements contrastés des protagonistes. Ils sont tous excellents et contribuent à l’aboutissement d’un spectacle tonique, qui avive les consciences.
Love and Money de Dennis Kelly, d’après la traduction de Philippe Lemoine (L’Arche éditeur), mise en scène Blandine Savetier, avec Guillaume Lalou, Gilles Ostrowsky, Laurent Papot, Julie Pilod, Irina Solano .Scénographie Olga Karpinsky, Sarah Leee, Blandine Savetier, costumes Olga Karpinsky, son Romain Crivellari, lumières et vidéo Daniel Lévy. Durée : 2 heures.
Théâtre du Rond–Point Paris jusqu’au 6 avril 2014
Maison de la Culture de Bourges du 15 au 17avril. Phénix – Valenciennes en janvier 2015.
photos Franck Beloncle