Paris, L’Athénée, jusqu’au 26 novembre 2011

Le Shaga de Marguerite Duras

Jouer avec les mots

Le Shaga de Marguerite Duras

L’écriture de Marguerite Duras, décédée en 1996, continue à être largement représentée sur nos scènes. Tandis que La Douleur dans la mise en scène de Patrice Chéreau avec Dominique Blanc poursuit une longue tournée internationale, de nouvelles créations témoignent cette saison de l’intérêt porté à son œuvre. Après La Maison et Ecrire réalisés par Jeanne Champagne avec Tania Torrens, puis La Pluie d’été mise en scène par Emmanuel Daumas, le Théâtre de l’Athénée accueille deux de ses pièces, Savannah Bay, dans une nouvelle version de Philippe Sireuil, et Le Shaga.

Méconnue, cette dernière a été créée en janvier 1968 et constitue d’après son auteure “ la chose plus folle que j’ai jamais écrite ”. Un matin, une jeune fille française s’éveille en ne parlant plus qu’une langue imaginaire, le shaga. Elle rencontre une femme, côtoyée la veille, qui tente de connaître l’origine de cette subite conversion et de traduire ses propos à l’intention d’un homme surgi par hasard, un bidon d’essence vide à la main. Ce trio, réuni sans raison apparente, parle chacun à sa manière de tout et de rien, de leur passé et de leurs obsessions qui croisent un oiseau parleur ou encore un lion fantasmé. A travers les mots des personnages, Duras procède à une remise en cause du langage dont la transgression atteint une forme subversive qui tend à évacuer une part du pessimisme de la condition humaine. Car, dans le cheminement des pensées de ces êtres décalés d’une normalité habituellement exprimée par la parole, s’instaure joyeusement un délire verbal en mesure d’ouvrir sur d’autres horizons.

Associée à Marguerite Duras pour la création de la pièce (et aussi de Yes peut-être), Claire Deluca, amie et fidèle parmi les fidèles, a procédé à une délicate adaptation rendue nécessaire plus de trois décennies plus tard. Avec finesse et intelligence. Elle s’est associée pour la mise en scène à Jean-Marie Lehec, tout deux interprètes en compagnie de Karin Martin-Hulewicz (la “Shagouine”) de cette fantaisie verbale proche de l’absurde, qui interroge aussi l’individualisme et l’écoute de l’autre. Dans un dispositif judicieusement abstrait et avec les lumières de Carlos Perez, cette nouvelle version, - ouverte par la voix de Duras en répétition - porte avec justesse l’écriture durassienne en exaltant sa musicalité, son humour et sa part de dérision. Sans effets appuyés, ni exposition psychologique superflue, mais avec une distance adaptée au fin équilibre que nécessite cette pièce atypique. En déclenchant les rires.

Le Shaga, de Marguerite Duras, adaptation Claire Deluca, mise en scène Claire Deluca et Jean-Marie Lehec, avec Claire Deluca, Karin Martin – Hulewicz, Jean-Marie Lehec. Lumière et son Carlos Perez. Durée : 1 heure. Théâtre de l’Athénée Louis – Jouvet jusqu’au 26 novembre 2011.

photo Clémence Hérout

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

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