Café de la danse (Paris 11e)

Le Manteau

Adaptation, adoption

Le Manteau

Curieuse et fastidieuse tache que de vouloir adapter, c’est-à-dire transcrire à la scène une narration, en l’occurrence la brièveté elliptique d’une nouvelle. On a alors fort à faire : garder les images littéraires pour les traduire scénographiquement, sauvegarder l’essence du narratif et le projeter dans la dynamique du dialogue, c’est à dire du langage dramatique. Bref, autant d’occasions de tomber dans des chausse-trappes ou autres accidents. Périlleuse voltige de s’attaquer à mettre en vie sur un plateau un support qui jusque là n’est que l’apanage du descriptif.
Mais, Alain Mollot, metteur en scène et adaptateur de la nouvelle Le Manteau a su échapper à l’incontournable piège de l’adaptation. Grâce à son « désintéressement » intellectuel, il a su tirer seulement les émotions internes et inhérentes à l‘œuvre de Gogol. Grâce à son imaginaire et à sa maîtrise du plateau, il a échappé à la persévérance stérile qui consiste à vouloir théâtraliser à tout prix. Il propose tout simplement de nous présenter les déchirures et les tiraillements des personnages de l’œuvre de Gogol.

Où tout n’est qu’apparence

Au même titre que le Tableau des merveilles de Jacques Prévert, la nouvelle démontre dans un de ses aspects que tout n’est qu’apparence. Un personnage se tue au travail pour acquérir un beau manteau tout neuf. Dès cette acquisition, le regard porté sur le propriétaire devient bien différent. Il est à la fois honoré d’être le propriétaire du manteau et écrasé. Honorer par l’entourage d’avoir un si bel habit : n’est-il pas invité à le fêter chez son chef de bureau ? Ecrasé par cette appartenance, il faut en assumer le port et aussi la protection. D’ailleurs ne se le fait-il pas voler ? Toutes ces subtilités sont bien réinventées, tracées, creusées par une équipe de comédiens assez habiles. Toutefois, on réservera une admiration un peu plus enthousiaste à France Hervé qui tient à la fois avec rigueur et fantaisie le rôle du narrateur voire de l’ordonnateur. Jeu tout en rupture, allant d’un personnage quasiment marionnétique à un autre plus libéré, glissé dans des arabesques entraînantes qui nous font oublier la rigoureuse technique d’une comédienne probablement très assidue. Parlons aussi de l’apport émotionnel offert par les interventions des marionnettes : elles déstabilisent intelligemment les proportions, l’esthétisme est loin d’être redondant. Et si les « objets animés » avaient une âme ?

Le Manteau, de Nicolas Gogol, adaptation et mise en scène : Alain Mollot avec : Serge Djen, France Hervé, Mélanie Mazoyer, Alexandra Melis, Jorge Migoya, Juliet O’Brien, Alexandre Picard. Musique : Jorge Migoya. Scénographie : Jean-Baptiste Manessier. Marionnettes : Mélanie Mazoyer et Yseult Welschinger. Café de la danse, Paris 11e, du mardi au vendredi à 20 h 30 et samedi 17 h et 20 h 30 Location : 01 47 00 57 59.

A propos de l'auteur
Jacky Viallon
Jacky Viallon

Jacky Viallon aurait voulu être romancier à la mode, professeur de lettres ( influencé par les petites nouilles en forme de lettres qu’on lui donnait tout petit dans sa soupe et qu’il taquinait avec sa grande cuillère en argent symbole d’une grande...

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