La Terre entre les mondes de Métie Navarro
Les femmes sont-elles le salut du monde ?
La terre entre les mondes est le territoire perdu des Mayas au cœur du Yucatan, au Mexique, un peuple décimé par la colonisation espagnole au XVe siècle, définitivement anéanti par la mondialisation. On n’hésite pas à s’indigner des exactions commises par les Espagnols du siècle d’Or qui ont détruit la civilisation maya, entre autres, mais il n’y a personne pour reconnaître que cette politique d’extermination des amérindiens a été consciencieusement poursuivie au fil des siècles à laquelle la pièce de Métie Navarro fait écho. Elle met en scène la cohabitation forcée entre une communauté mennonite (descendants de Néerlandais ou Allemands qui ont dû quitter l’Europe, rejetés par l’Eglise chrétienne) implantée depuis les années 1920 dans le Yucatan et une communauté maya qui leur est inféodée. Ces Mennonites vivent en vase clos, coupés du monde extérieur comme les Amish, mais ont des Mayas à leur service. Ils se sont appropriés des terres qu’ils ont déboisées à tout va pour planter du soja à perte de vue, confinant les autochtones sur des parcelles desséchées incultivables. A partir de cet état de fait bien réel, Métie Navarro construit une sorte de conte fantastique, sur le mode du réalisme magique sud-américain qui introduit du merveilleux dans un contexte réaliste. Les deux mondes qui s’affrontent finiront par communiquer à travers la relation entre deux jeunes filles. La jeune maya Cécilia est obsédée par sa grand-mère bien aimée dont le fantôme la hante, réclamant le repos d’une sépulture tandis que son père se lamente du matin au soir, invoquant le dieu de la pluie. La jeune mennonite Amalia est attirée par Cécilia qui travaille durement pour sa famille. Elles ne parlent pas la même langue mais finiront par se comprendre et Cécilia lui transmettra le savoir que sa grand-mère lui a enseigné. Où l’on comprend que la pièce est aussi une histoire d’émancipation féminine ainsi que d’attachement aux origines. Métie Navarro aborde beaucoup d’idées intéressantes au risque de perdre le fil. Resserré, le texte gagnerait beaucoup en énergie et en rythme.
La mise en scène de Jean Boillot s’attache à la dimension narrative du texte. A l’avant-scène, se découpe une boîte immaculée dans laquelle alternent de manière très systématique les scènes chez les Mayas et celles chez les Mennonites, représentées par une mère et ses deux filles, toutes trois vêtues de la même tenue austère, monacale. A l’arrière-plan, dans la pénombre, des scènes fantasmagoriques se déroulent auprès d’un imposant arbre mort, symbole de la déforestation mortifère.
La scénographie de Laurence Villerot, les jeux d’ombres et lumières d’Ivan Mathis et les éléments sonores composites créés par Christophe Hauser s’accordent bien avec cette notion singulière de réalisme magique.
La Terre entre les mondes. Texte Métie Navajo. Mise en scène Jean Boillot. Assistant à mise en scène Philippe Lardaud. Conseil dramaturgie David Duran Camacho. Scénographie Laurence Villerot. Création lumière Ivan Mathis. Costumes & maquillages Virginie Breger. Création sonore Christophe Hauser. Avec Cyrielle Rayet, Giovanni Ortega, Lya Bonilla, Stéphanie Schwartzbrod, Sophia Fabian, Christine Muller. A Vitry, au théâtre Jean Vilar jusqu’au 11 novembre 2022, dans le cadre du festival Les théâtrales-Charles Dullin. Durée : 1h40.
Tout public, à partir de 14ans.
Le texte est édité aux Editions Espace 34.
Tournée
Du 16 au 18 novembre, NEST, CDN Thionville
1er décembre, Bords 2 scènes, Vitry-le -François
8 décembre, EMC, Saint-Michel-sur-Orge
