Paris, Théâtre du Rond-Point jusqu’au 17 décembre 2011

Gólgota picnic de Rodrigo Garcia

Beaucoup de bruit pour rien

 Gólgota picnic de Rodrigo Garcia

Après Sul concetto di volto nel figlio de Dio de Romeo Castellucci, l’annonce de cette dernière création de Rodrigo Garcia a mobilisé les catholiques intégristes regroupés sous la bannière de l’Institut Civitas, engagé “ dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier.”. Un courant politique qui a reçu l’appui de 56 parlementaires, en majorité UMP, nostalgiques de
L’Action française et de la pensée maurassienne.

Après le Théâtre Garonne à Toulouse, le Théâtre du Rond-Point - victime d’une tentative de sabotage de ses installations - est placé sous haute protection policière pour contenir un petit nombre de manifestants. L’accessibilité des spectateurs à la salle s’effectuant à travers des portiques de sécurité associés à une fouille corporelle.

Voilà pour l’ambiance d’une première, qui s’est déroulée sans incident, ouverte par une déclaration projetée de Rodrigo Garcia “ J’ai honte de présenter une œuvre d’art protégée par des mesures de sécurité.”. Un sentiment partagé dès lors que l’on s’attaque à la liberté d’expression.

Adossé à un vaste écran utilisé pour des projections vidéo, le plateau est recouvert d’une multitude de petites miches rondes entrant dans la composition des hamburgers. Allusion à la multiplication des pains par Jésus rapportée dans les évangiles. Il est devenu “ le premier des démagogues en multipliant la nourriture pour le peuple au lieu de travailler coude à coude avec lui.” On apprend aussi que le Christ était “nul pour parler de foot” et “incapable d’aller boire des bières, de se lancer dans une discussion sur les filles avec un pote et de rater le dernier bus ”, mais également qu’à travers son message d’amour, il fut “ le messie du sida ”. Des paroles qui attestent de l’aspect parodique du spectacle et relativise la portée “ blasphématoire” agitée par une minorité intolérante de cathos excités, en mal de récup politicienne. Dans la majorité des cas sans avoir vu le spectacle.

Mais, fidèle à lui-même, Rodrigo Garcia brocarde et dénonce une nouvelle fois en parallèle, les travers d’une humanité dans laquelle rien ne trouve grâce à ses yeux. Ni les utilisateurs de Mp 3, ni les amateurs d’art, pas plus que les amoureux, les Noirs, les pauvres, ou encore les touristes et les pompiers. Il place “le patron de Zara” supérieur à Freud dans sa connaissance des “tréfonds de l’être humain”. A tous il conseille “ Fuyez-vous les uns les autres.”. Malgré l’humour, plus démago tu meurs.

Par l’intermédiaire de cinq comédiens invités au pique-nique, la parole rencontre les images dans une maîtrise scénique affichée depuis longtemps par le metteur en scène. Chute d’un “ange déchu ” filmée en plein ciel - qui plus tard tente d’acquérir une paire d’ailes sur e-bay -, projection d’un tableau de Rubens ou d’une fresque de Giotto, croisent les captations vidéo en direct en introduisant une expressivité de belle facture. Cette profusion d’images – que par ailleurs Garcia fustige en n’étant pas à un paradoxe près – alternent avec des scènes aux limites du trash, rejets alimentaires, petits pains farcis de vers de terre pour une improbable tour de Babel, toilettage de poils pubiens, mêlée de corps dénudés enduits de peinture … qui semble le fruit d’une provocation pour le moins puérile sinon datée.

A la fin de la représentation, tandis que les hamburgers sont devenus une terre ravinée, arrive le pianiste Marino Formenti. Nu, il interprète magnifiquement l’intégrale des Sept dernières paroles du Christ de Joseph Haydn. Long moment de grâce et d’apaisement, propice à laisser vagabonder ses pensées et ses réflexions issues de la rencontre avec un spectacle qui n’est ni à encenser, ni à vilipender.

© David Ruano

Gólgota picnic, texte, mise en scène et scénographie Rodrigo Garcia, traduction Christilla Vasserot,( Les Solitaires intempestifs) avec Gonzalo Cunill, Marino Formenti, Nuria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro, Jean-Benoît Ugeux. Piano, Marino Formenti. Lumière, Carlos Marquerie, vidéo Ramón Diago, espace sonore Marc Romagosa, costumes Belén Montoliù. Durée : 2 h 10 .Théâtre du Rond – Point Paris, dans le cadre du Festival d’automne, jusqu’au 17 décembre 2011.

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

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