Théâtre Paris-Villette
Beaucoup de bruit pour rien-compagnie 26000 couverts
Portrait chinois
Les amateurs de théâtre de rue connaissent la compagnie dijonnaise des 26 000 couverts depuis les années 1990. Philippe Nicole et Pascal Rome avaient alors mis en commun leurs rêves de ce qu’on pourrait appeler un théâtre alternatif, utopique, qui interroge avec sérieux les codes de représentation en empruntant les modes les plus décalés. La rencontre étant le maître mot de leur démarche, ils ont choisi la rue comme terrain d’expression et de jeu. Avec eux, c’est l’imagination au pouvoir, mais jamais dans un acte gratuit. Ils bousculent joyeusement la routine quotidienne, réveillent les esprits anesthésiés, formatés. Ils interpellent le spectateur, le titille jusqu’à le conduire à rompre avec l’attitude pépère de voyeur-consommateur pour regarder le monde d’un œil neuf et curieux. À force de provocations loufoques, leur esprit définitivement farceur et insolent nous pousse au rire comme on pousse au crime. Depuis une quinzaine d’années, on peut les voir évidemment dans les festivals de théâtre de rue aux côtés de quelques autres du même acabit comme les 36 du mois, Générik vapeur, Royal de luxe, le Théâtre de l’unité de Hervée Delafon et Jacques Livchine (qui participe à Beaucoup de bruit pour rien) et bien d’autres. Les 26 000 couverts investissent aussi n’importe quel lieu public, du gymnase au marché ou supermarché, centre d’art, usines désaffectées, places de village.
« Nous sommes faits de l’étoffe des rêves » (Shakespeare, La Tempête)
Toujours là où on ne les attend, ils proposent cette fois une lecture totalement innovante de la comédie de Shakespeare, et pire encore... C’est donc la première fois que la compagnie s’attaque à du vrai théâtre, et tant qu’à faire, ils ont choisi le maître des maîtres. Mais ils ont plus d’un tour dans leur sac. Habiles poseurs de bombes à retardement, funambules sur le fil de l’illusion, ils jouent en virtuose de la digression absolue, de l’art du détournement. On peut se douter qu’ils ne risquent pas d’aborder la comédie élisabéthaine sur le mode de la Royal Shakespeare Company. Certes, ils sont menteurs au 26000e degré, mystificateurs de toute façon, mais ils font mieux que raconter l’histoire à leur manière, ils nous livrent un portrait chinois du grand William d’une formidable fidélité, tout en donnant l’impression de parler de tout à fait autre chose. Mettant habilement le « spectacteur » dans le coup à son insu, ils portent un regard critique aiguisé sur les conventions théâtrales et la manière dont elles nous enferment en faisant exploser les cadres de scène pour libérer l’esprit des lieux. Il suffit d’aller visiter leur site internet pour prendre la mesure de l’esprit qui anime cette compagnie toujours en embuscade pour tordre le cou aux préjugés, mettre leur grain de sel dans tous les potages, allumer des feux de camp, de joie ou de bengale. S’ils font beaucoup de bruit, c’est pour notre plus grand plaisir.
Beaucoup de bruit pour rien, une création de la compagnie 26 000 couverts. Au théâtre Paris-Villette jusqu’au 15 septembre à 20h, samedi 16h et 20h. Tél : 01 40 03 72 23.
www.theatre-paris-villette.com
calendrier de tournée sur le site de la compagnie : www.26000couverts.org
Crédit photo : 26000 couverts