Une Périchole survoltée
Laurent Pelly et Marc Minkowski assurent le succès de l’opéra-bouffe euphorisant d’Offenbach
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- 15 novembre 2022
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Marc Minkowski à la direction, Laurent Pelly à la mise en scène et aux costumes, voilà plus de vingt ans que le tandem œuvre à la production d’opéras du répertoire léger du XIXe siècle, particulièrement celui d’Offenbach. On se souvient notamment de leur Belle Hélène de haute mémoire, au Châtelet en 2000. C’est pourtant la première fois qu’ils signent de conserve La Périchole, l’opéra-bouffe d’Offenbach qu’il avaient abordé chacun séparément, pour une nouvelle production du Théâtre des Champs-Élysées. C’est la deuxième Périchole que nous avons vue cette année (voir Une Périchole qui fera école) et à chaque fois, la chanteuse des rues de Lima se taille un franc succès, apportant un air revigorant bienvenu en ces temps de grisaille.
Là aussi, c’est la deuxième version de l’œuvre qui a été choisie, celle de 1874, élaborée par le Palazzetto Bru Zane de Venise qui a édité le CD enregistré à l’Opéra de Bordeaux et coproduit le spectacle. Version plus longue avec ses trois actes et quatre tableaux chacun précédé d’un prologue musical. Si l’on a connu Laurent Pelly plus en verve – le nombre de trouvailles scéniques et de gags visuels est ici limité – Marc Minkowski, en revanche, est au mieux de sa forme, insufflant à son ensemble Les Musiciens du Louvre et au Chœur de l’Opéra de Bordeaux un rythme endiablé et une énergie sans faille. Gage du succès, les deux artistes se sont entourés de leurs fidèles collaboratrices : Agathe Mélinand qui adapte le livret parfaitement loufoque de Meilhac et Halévy en lui donnant un tour plus politique, et Chantal Thomas pour la scénographie.
La principale nouveauté de cette production tient à l’actualisation de l’action et du langage parlé qui s’insère entre les parties chantées au fil de l’opéra, l’adaptation prenant un peu trop au pied de la lettre les indications du livret. De la place de Lima à l’époque de la colonisation espagnole où est censée se situer l’action nous voici téléportés à l’époque moderne sous la férule d’un vice-roi qui pratique sans vergogne le culte de la personnalité, genre Poutine libidineux.
Sur un air de cancan
Le rideau s’ouvre sur une fête de voisins dans les faubourgs d’une grande métropole et les convives en T-shirts et bermudas festoient devant la gargote des trois cousines, devenue un food truck. Avec son short en jean, son blouson en cuir sans manche et ses bas résille, la Périchole survient, artiste famélique qui, pour assurer sa pitance, se résigne à se vendre au vice-roi. Lequel parcourt incognito la ville pour mesurer sa popularité et tombe fou amoureux d’elle. Au grand dam de son amant, le guitariste Piquillo – casquette, marcel et jean moulant – grand benêt dépassé par les manigances de sa dulcinée qui réussit à manœuvrer habilement le représentant de la couronne espagnole tout en sauvegardant sa vertu.
Changement radical de décor et d’atmosphère au deuxième acte : de grands canapés noirs enchâssés dans de gigantesques miroirs baroques représentent le palais du vice-roi peuplé d’une cour de sémillantes dames d’honneur en robe à panier dignes des Menines de Velasquez. Piquillo, engoncé dans son smoking, s’entête dans son rôle de jaloux et se comporte en « mari récalcitrant », tel que le décrit le fameux couplet. Mais, après un détour par la prison, tout est bien qui finit bien et, au finale, chacun retrouvera sa chacune sans dommages apparents sur un air de cancan.
Très pointilleuse, la direction des acteurs/chanteurs ne laisse rien au hasard, et la distribution jeune et homogène se prête volontiers aux indications du metteur en scène. Deux mezzos sont appelées à alterner dans le rôle-titre ; celle que nous avons vue, Marina Viotti, campe une Périchole affriolante mais sans effets de voix, faisant chavirer les cœurs et... le banc sur lequel elle est écroulée dans son morceau de bravoure « Je suis un peu grise... ». Le rôle de Piquillo, lui, ne change pas, confié au ténor Stanislas de Barbeyrac qui, avec une belle prestance se coule dans la peau de l’amoureux bafoué, sans excès non plus de trémolos, mais avec justesse et séduction.
Photo : Vincent Pontet
La Périchole de Jacques Offenbach, Théâtre des Champs-Élysées jusqu’au 27 novembre, www.theatrechampselysees.fr Direction : Marc Minkowski. Mise en scène et costumes : Laurent Pelly. Adaptation des dialogues : Agathe Mélinand. Scénographie : Chantal Thomas. Lumières : Michel Le Borgne. Avec Marina Viotti/Antoinette Dennefeld (La Périchole), Stanislas de Barbeyrac (Piquillo), Laurent Naouri/Alexandre Duhamel (Don Andrès de Ribeira), Rodolphe Briand (Le Comte Miguel de Panatellas), Lionel Lhote (Don Pedro de Hinoyosa), Chloé Briot (Guadalena, Manuelita), Alix Le Saux (Berginella, Ninetta) Eléonore Pancrazi (Mastrilla, Brambilla), Natalie Pérez (Frasquinella). Les Musiciens du Louvre. Chœur de l’Opéra national de Bordeaux.