Aubervilliers, théâtre de la commune jusqu’au 29 janvier 2012

Un soir, une ville… de Daniel Keene

Du lointain au prochain

Un soir, une ville… de Daniel Keene

Après un mémorable spectacle intitulé Avis aux intéressés, où jouait le regretté Jean-Paul Roussillon, Didier Bezace revient à Daniel Keene, cet écrivain australien qui écoute, comme en sourdine (c’est-à-dire au plus fort), ses contemporains des métropoles. Le directeur du théâtre de la Commune a choisi trois textes qui ont en commun l’éloignement et le rapprochement : à chaque fois, une personne se place à distance d’une autre et, par le miracle d’une forme d’amour ou d’altruisme, la vie semble à même de réunir ces deux êtres qui allaient casser le lien qui les unissait. Dans la première pièce, Fleuve, un père (Patrick Catalifo) récupère un instant son très jeune fils dont la mère a obtenu la garde. Ils n’ont plus rien à se dire. Jusqu’à ce que quelque chose atténue et supprime le silence instauré. Dans le second acte, Un verre de crépuscule, un homme un peu aisé a dragué un homme plutôt pauvre ; ils sont ensemble dans une chambre d’hôtel. Le sexe tourne à l’affrontement et à la cupidité. Jusqu’à ce que de l’amour, ou tout au moins un sentiment de compassion, surgisse. Dans la dernière pièce, Quelque part au milieu de la nuit, une femme âgée quitte définitivement son domicile pour aller habiter, loin de là chez sa fille. Ce projet de vie en commun les éloigne au lieu d’accroître leur relation d’affection. Jusqu’à ce qu’au matin, tout change, comme vont les nuages dans le ciel.
Didier Bezace travaille au cordeau, avec des éléments de décor qui coupent l’espace différemment à chaque pièce, avec une égale attention portée aux mots et au silence, et avec la part la plus secrète du jeu des acteurs. Patrick Catalifo, Sylvie Debrun, Daniel Delabesse, Thierry Levaret, Geneviève Mnich et, en alternance, les enfants Maxime Chevalier-Martinot et Simon Gérin, sont tous d’une somptueuse émotion masquée et visible à la fois. Les plus étonnants sont sans doute Geneviève Mnich et Daniel Delabesse, mais tous déploient un art du jeu d’une pudeur au pouvoir stupéfiant. Ces trois allers du lointain jusqu’au prochain touchant au plus profond de ce qu’on appelle le cœur, en même temps que ce qu’on appelle le sens de la beauté.

Un soir, une ville… de Daniel Keene, traduction de Séverine Magois, mise en scène de Didier Bezace, collaboration artistique de Laurent Caillon, scénographie de Jean Hass, lumières de Dominique Fortin, costumes de Cidalia Da Costa, musiques de Laurent Caillon, Denys Lable et Teddy Lasry, vidéo de Dyssia Loubatière, avec Patrick Catalifo, Sylvie Debrun, Daniel Delabesse, Thierry Levaret, Geneviève Mnich et, en alternance, Maxime Chevalier-Martinot et Simon Gérin. Théâtre de la Commune, tél. : 01 48 33 16 16, jusqu’au 29 janvier. Textes aux éditions Théâtrales. (Durée : 2 h 30).

Photo Brigitte Enguérand

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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