Paris - Théâtre des Champs Elysées - jusqu’au 11 novembre 2007

The Rake’s Progress d’Igor Stravinsky

Superbe reprise de l’inclassable chef d’oeuvre de Stravinsky

The Rake's Progress d'Igor Stravinsky

De Londres à New York, du 18ème siècle des gravures de William Hogarth au style BD des happy fifties à l’américaine, la reprise au Théâtre des Champs Elysées de l’inclassable chef d’œuvre de Stravinsky dans la mise en scène d’André Engel, tient ses promesses. Les deux heures et demie de jubilation théâtrale et musicale sont restées intactes.

Tout dans la transposition d’Engel et de Rieti, son inséparable décorateur et scénographe, fait corps avec cet objet difficilement indentifiable : ce Rake’s Progress, cet opéra/"musical" composé à Hollywood par un Stravinsky septuagénaire, créé à la Fenice de Venise en 1951 avec Elisabeth Schwarzkopf dans le rôle d’Anne Trulove. L’époque, le style, l’influence évidente de la comédie musicale américaine, un petit air de pastiche par-ci, des citations l’œil en coin par-là, le tout assaisonné des sels de la dérision et de l’humour. Des airs jazzy pour faire danser, mais aussi, comme dans tout opéra qui se respecte, une grande histoire d’amour génératrice de duos sublimes.

Une fable oscillant entre surréalisme, onirisme et "non sens" anglo-saxon

Qu’une œuvre lyrique soit née d’un coup au cœur pour des gravures vieilles de deux siècles est sans doute unique. A la demande de Stravinsky, le destin gravé de « La carrière d’un débauché » par William Hogarth, servit de trame fond au poète et librettiste Wystan Hugh Auden. Il en garda l’idée directrice, pratiqua des variantes de caractères – l’âme de Tom Rakewell devient plus naïve et moins perverse -, inventa de toutes pièces des épisodes –la machine à fabriquer du pain qui devrait sauver le monde - .. Et accoucha au final d’une fable oscillant entre le surréalisme à la Breton, l’onirisme de Lewis Carroll et le bon vieux « non sens » anglo-saxon… Sans oublier l’empreinte d’un Méphisto chasseur d’âmes mais qui ici perd son pari.

Tom Randle et David Pittsinger rechaussent les bottes de Tm Rakewell, l’indolent, et de Nick Shadow, diable déguisé en valet

Du vert tendre de l’amour au noir absolu de la folie, les décors de Rieti se déclinent de scène en scène comme autant de tableaux. Printemps de campagne fleurie, gratte ciels et néons clignotants de la grande pomme, bordel de Mrs Goose transformé en cabaret, suite d’un grand hôtel pour milliardaire en guise de pied à terre, salle de vente où crépitent les chuchotis des dollars, spectres déjantés de l’asile, clartés blêmes d’un cimetière… Le ténor Thomas Randle et la basse David Pittsinger, toujours en voix et en jambes (car ils dansent ), rechaussent avec bonheur les bottes de Tom Rakewell, l’indolent qui joue sa vie au poker de la luxure et du fric, et de son ombre machiavélique Nick Shadow, diable déguisé en valet. On retrouve avec le même plaisir, le timbre chaleureux de la basse Gregory Reinhardt, le père si digne de la malheureuse Anne.

Celle-ci révèle le talent tout neuf et la présence rayonnante de la soprano russe Olga Peretyatko, voix fruitée dansant sur les aigus, jeune première idéale au minois à faire craquer. L’unique déception vocale vient de Baba la Turque : malgré une prestation de comédienne déjantée, la mezzo soprano Elsa Maurus, par trac, rhume ou panne de moyens, manque à la fois d’ampleur et de justesse.
L’Ensemble orchestral de Paris prend visiblement plaisir à la direction enlevée de Frédéric Chaslin.

De fait cette production ferme une boucle dans la carrière de Dominique Meyer, directeur du TCE parisien. Il en avait passé commande quand il était à la tête de l’Opéra de Lausanne en 1999. Il la reprit dès sa nomination au Théâtre des Champs Elysées… Qu’il quittera à la fin de la prochaine saison pour prendre les rênes prestigieuses de l’Opéra de Vienne.

The Rake’s Progress d’Igor Stravinsky, livret de Wystan Hugh Auden. Ensemble Orchestral de Paris, direction Frédéric Chaslin, mise en scène André Engel, décors Nucky Rieti, costumes Nicole Galerne, Chantal de la Coste, lumières André Diot. Avec Gregory Reinhardt, Olga Peretyatko, Tom Randle, David Pittsinger, Nuala Willis, Elsa Maurus, Simeon Esper.
Paris - Théâtre des Champs Elysées. Les 7 & 9 novembre à 19h30, le 11 à 17h.
01 49 52 50 50 - www.theatrechampselysees.fr

Copyright photos : Alvaro Yañez

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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