Live de Stéphanie Aflalo

Hybride sur le coup

Live de Stéphanie Aflalo

Paradoxe intéressant que l’idée de recréer le climat des méga-concerts dans une salle intimiste. Les récitals géants resteront donc présents en hors champ. Ils seront évoqués par une bande son qui restitue en parodie ce qui se pratique pour conditionner un public en lui donnant l’impression d’une ferveur inoxydable, celle-ci entraînant un consensus collectif de soumission inconditionnelle aux codes établis par les meneurs de foule afin de célébrer le culte d’une divinité terrestre unique.

Puisque le sous-titre du spectacle est «  la face cachée des pop stars », il s’agit, une fois ce prologue sonore terminé, d’organiser une rencontre avec l’être humain qui se dissimule sous l’apparence de la vedette, seule avec son moi, en interrogation à propos du phénomène de sa sacralisation laïque. C’est alors que surgit Stéphanie Alflalo créant la fugace image forte d’une star grâce aux éclairages minutieusement dosés de Philippe Ulysse.

Ce face à face avec un public de théâtre dans un lieu restreint est un enjeu différent, supposant une connivence autre que celle auprès d’une masse hétéroclite. Elle se retrouve à pouvoir exploiter deux registres : le soliloque et l’adresse aux spectateurs en dehors de tout fracas sonore.

La comédienne a ses atouts pour relever le défi de ce qu’elle qualifie elle-même de « gag poétique ». Elle possède une évidente présence. Sa voix parlée et chantée passe bien la rampe et use de variations de registres divers. Physiquement, elle gère l’espace et son outil corporel de manière à capter l’auditoire.

Première incursion dans son interrogation à propos de l’aura d’une star : que se passerait-il si celle-ci, en pleine prestation, était victime d’une défaillance physique incontrôlable et humiliante comme une incontinence intestinale. Cela, à coup sûr, risque d’en flanquer un coup à la luminosité de son image fabriquée.

La suite se déroule essentiellement dans l’alternance entre monologue intérieur et son contraire sous forme d’interactions de stand up avec la salle. L’autrice-interprète y use de répétitions du genre anaphorique. Elle s’essaie à la dérision en n’aboutissant qu’à du dérisoire. Tandis que derrière elle, une vidéo lance une projection géométrique, elle tente de flirter avec l’absurde sans que le passage du premier degré se hausse au niveau second, ce qui aurait permis une perception davantage ironique. Et si quelquefois on frôle le symbolique, il se réduit au stéréotype.

Elle chante aussi. De quoi insuffler un peu d’autobiographique sur des peurs, sur des deuils impossibles… Les décalages censés susciter le rire entraînent rarement celui d’une majorité du public. Et lorsqu’à la fin, toujours jouant la star qui se dévoile intimement, elle quémande son pardon à son auditoire, on a l’impression que c’est plutôt la comédienne-écrivaine, délaissant son rôle initial, qui demande pardon au public présent venu pour elle, qui s’accuse de nullité, qui promet de ne jamais recommencer.

Il faut bien en finir. En guise de caricature des rituels coutumiers des giga-concerts, elle demande une ultime coopération interactive en se laissant déportée à bout de bras depuis le plateau jusqu’à la régie. Amusant peut-être, sans être probant.

Puisque la représentation a commencé tôt et qu’elle ne dure pas trop longtemps, reste alors à rentrer chez soi et à suivre une des suggestions de la voix off du début d’aller, par exemple, se planter devant la télé de son salon et de regarder « Meurtre dans les Alpilles  » avant de s’apercevoir après trois quarts d’heure que c’était, hélas !, la 3e fois.

Durée : 1h20
19-21.12.2023 Théâtre du Nord Lille
17>23.02.2024 TDV-Sarah Bernhardt - La Coupole Paris

Écriture, jeu, musique : Stéphanie Aflalo
Création et régie vidéo : Pablo Albandea
Collaboration musicale, régie son : Léo Kauffmann
Création lumière : Philippe Ulysse
Régie générale : Romain Crivellari
Production : Johnny Stecchino
Directrice de production : Maria-Carmela Mini
Chargée de production, diffusion : Lisa Antoine
Chargée d’administration : Adèle Devos
Chargée de communication : Louise Marion
Attachée de communication :Astrid Herbron
Production déléguée : Latitudes Prod, Lille
Coproduction : La Pop, La Villette
Soutien : DRAC Hauts-de-France, Région Hauts-de-France, SPEDIDAM
Photo © J. Kane

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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