Nantes - Théâtre Graslin jusqu’au 10 novembre / Angers - Grand Théâtre les 13 & 14 novembre 2009 - En tournée jusqu’au 28 mai 2010

Le concile d’Amour de Michel Musseau d’après Oskar Panizza

L’irrévérence blasphématoire de Panizza mise en musique et en marionnettes

Le concile d'Amour de Michel Musseau d'après Oskar Panizza

De la bouffonnerie théâtrale à la bouffonnerie musicale le passage est toujours risqué. S’agissant d’une bouffonnerie blasphématoire qui piétine les dogmes des saintes églises, l’exercice devient carrément périlleux. A Nantes, le compositeur Michel Musseau, épaulé par le metteur en scène Jean-Pierre Larroche a fait appel aux marionnettes, ces êtres papier et de chiffons venus d’ailleurs, pour mettre en images et en sons le Concile d’Amour d’Oskar Panizza (1853-1921). Ce pamphlet antireligieux aux effluves de souffre valut un procès suivi d’un an de prison ferme à son auteur, puis une suite de déboires que la folie qu’il soignait d’abord en qualité de médecin finisse par le rattraper et l’enfermer durant les 15 dernières années de sa vie.

Longtemps, l’irrévérence absolue d’Oskar Panizza fut mise à l’index de tous les biens pensants. Né en Bavière d’un père d’origine italienne et fervent catholique et d’une mère d’origine française intransigeante huguenote, il fut nourri dès ses premières tétées par l’antagonisme opposant les deux religions. Libre penseur viscéral, d’esprit et d’âme, érudit ayant sondé les arts, la musique, le commerce, la littérature, Panizza commit l’insupportable péché d’intelligence de trop comprendre. Il rua si bien dans les brancards des idées reçues, des croyances fabriquées, des dogmes inculqués qu’il fallut près d’un demi siècle après sa triste mort dans un asile pour que son œuvre soit enfin exhumée. A Paris, en 1960 Jean-Jacques Pauvert, éditeur d’esprit libre lui aussi, publia la traduction française par Jean Bréjoux de son Concile d’Amour qu’André Breton agrémentait d’une préface admirative. Neuf ans plus tard, au Théâtre de Paris, le metteur en scène argentin Jorge Lavelli en révéla le contenu explosif dans une mise en scène restée inégalée tant par sa force bateleuse que par le grotesque poétique des décors et costumes de Léonor Fini.

Un regard trempé à l’acide de la vis comica

Concile des dieux, amour des hommes : le Bien et le Mal s’y tendent la main dans une ronde entre paradis et enfer dont les hôtes assermentés font les frais d’un regard trempé à l’acide de la vis comica. Dieu le père, vieillard cacochyme au corps en débris et à l’esprit fumeux, apprend par un messager céleste que sur terre, son représentant, le pape, se livre à d’innommables orgies. Nous sommes en 1495, le pape en question s’appelle Alexandre VI, né Rodrigo Borgia, père de neuf enfants sans autre légitimité que son plaisir, dont cette Lucrèce qui fera beaucoup parler d’elle. A bout de souffle et d’inspiration il appelle à la rescousse Marie, un rien nymphomane, un rien mythomane (je me salue Marie… annonce-t-elle), Jésus, ravagé par l’ennui infini de ses souffrances, le Saint Esprit et les anges pour trouver le moyen ad hoc de punir la racaille sans pour autant l’éliminer. Incapables de trouver la solution ils font appel à leur vieux copain le Diable, lui aussi catarrheux et de mauvais poil, qui finit par trouver le remède miracle : un truc qui jaillit du sexe en même temps que le plaisir, qui fait mal, qui tue mais n’extermine pas. Ainsi serait née la syphilis ! Après avoir passé en revue les héroïnes et hétaïres terrestres, le Diable, choisit Salomé, l’adopte et l’expédie sur terre pour répandre, en beauté, le mal supposé rédempteur.

Des instruments qui soulignent, grimacent, commentent...

Une guitare électrique, un trombone basse, un violon, quelques percussions et le chœur des anges enregistré pour peupler ce drôle de paradis qui navigue au-delà du globe terrestre : le décor sonore de Michel Musseau s’élabore autour d’une sorte de principe d’humour minimaliste. Compositeur touche-à-tout, il aime aborder les genres les plus divers, les musiques d’aujourd’hui conçues aux côtés d’un Luc Ferrari, les musiques de danse, de théâtre et de films sans oublier la chanson qu’il interprète lui-même en solo…Ici les instruments soulignent, grimacent, commentent en recul par rapport à l’action et aux images. Les premièrs tableaux et leur ballet d’ailes frémissantes, sont tout à fait réjouissants, drolatiques et poétiques. Mais d’acte en acte – il y en a 5 en 1h30 de spectacle – avec leurs interruptions longuettes pour les changements de décors – ils perdent peu à peu leur saveur. La scénographie de Jean-Pierre Larroche ne manque pas de trouvailles : l’horloge de Dieu le père, le poste de TSF volant qui figure le messager ailé, le Saint Esprit qui dégringole des cintres en forme de pancarte, les petits pantins représentant le pape et sa cour ou se transformant en désopilants phallus carnivores…

Aléas des premières ou manque de coordination technique ? Les textes, à l’exception de ceux de Marie chantés par la ronde et malicieuse Dalila Khatir, étaient peu audibles. Les voix de Frédéric Caton/Dieu le père, de Michaël Chouquet/Jésus et même celle du Diable percussionniste de François Bedel se perdaient souvent dans les limbes des chuchotis. Une sonorisation légère, des surtitrages auraient sans doute rendu plus accessible les mots et les idées qu’ils véhiculent, sésames indispensables pour entrer dans le cœur de cette sacrilège et saine protestation.

Autour des salutaires et dérangeantes questions qu’elles posent, une série de discussions et tables rondes sont organisées à Nantes et à Angers, autour des thèmes de santé et de religion, de disputes philosophiques, du sacré, des blasphèmes, du Mal et de sa beauté.

Le Concile d’Amour d’Oskar Panizza, dramaturgie et adaptation Frédéric Révérend, musique Michel Musseau, scénographie et mise en scène Jean-Pierre Larroche, costumes Marguerite Bordat, lumières Jean Yves Courcoux, son Mathieu Parmentier. Avec Frédéric Caton, Michaël Chouquet, Anaïs Durin, Dalila Khatir, François Bedel, Julien Desprez, Fidel Fourneyron, Rebecca Gormezano, François Fauvel. Voix enregistrées : Elise Caron , François Chattot et le chœur d’Angers Nantes Opéra dirigé par Xavier Ribes.

Nantes – Théâtre Graslin les 5, 6, 8, 9, 10 novembre à 20h –
02 40 69 77 18

Angers – Grand Théâtre les 13 & 14 novembre à 20h –
02 41 24 16 40

En tournée : Hexagone de Meylan le 24 novembre 2009, Théâtre de Cornouaille à Quimper les 10 & 11 mars 2010, Théâtre Musical de Besançon les 25 & 26 mars, TNT de Toulouse, les 26, 27 & 28 mai.

www.angers-nantes-opera.com

photographies : Jef Rabillon

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook